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Ce gage, ce mec... La réaction de Melody est typiquement ce qu'il devait attendre, et pourtant il serre les poings de rage. Peut-être qu'il s'attendait juste à ce qu'elle évite de me regarder ou à ce qu'elle se mette à rougir, ou qu'il comptait juste se rincer l’œil. Qui sait. Mais bon il y a des choses qu'il ne voit pas. Et que je sens. Comme les doigts de Melo qui caressent ma peau. Ouais, tu parles de "délirer entre potes". J'espère qu'elle ne pense plus que je vais croire à son histoire.
Les garçons prennent les manettes à leur tour et je m'installe dans l'angle du canapé à côté de Melody. Je ne l'empêcherai pas de me prendre dans ses bras, mais j'ai peur qu'elle fasse encore quelque chose de risqué. la dernière fois qu'on s'est retrouvées de ce côté du canapé, elle ma embrassée. Mais autant tout à l'heure, en tant que "blague" et discrètement, ça passait, autant maintenant que John est sur les nerfs et la suit probablement des yeux, j'en doute. Je pose ma main sur sa jambe pour la dissuader de faire quoi que ce soit d'inconsidéré, mais il va falloir que je parle avec elle... Ce soir, peut-être.
Ouf. La tempête semblait être passé. Les garçons avaient repris leurs places devant l'écran et ma meilleure amie et moi avions regagnées le coin du canapé comme précédemment. Tout était rentré en ordre. Enfin. En apparence en tout cas. Je ne m'y trompais pas : je n'avais berné ni mon petit ami qui jetait de temps à autre un regard à mes agissements, ni ma meilleure amie qui semble avoir conscience désormais de la tension sexuelle entre elle et moi. Sa main sur ma jambe me tire des légers frissons mais a surtout l'effet que j'imagine escompté : je ne tente rien de plus. Ce n'est pas le moment , du moins si je ne veux pas déclencher une bagarre entre les deux garçons ou entre eux et nous. Je reste donc la plus sage possible, retrouvant la façade que je tâche de conserver depuis le début de notre adolescence : celle de la meilleure amie dévouée et innocente alors que je brûle de saisir à nouveau ses lèvres et même de sentir ses doigts glissaient sur ma cuisse comme dans les rêves que je fais chaque nuit. Melody... Arrête de fantasmer. J'adresse un petit sourire à ma camarade en gardant ma tête sur son épaule. Autant profiter avant la fatidique conversation qui s'annonce.
La soirée se déroule, sans que Melody ne tente quoi que ce soit d'autre ; je crois qu'elle a compris mon message, même si j'ai remarqué le frisson que ça lui a tiré. Mais qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Même si je veux le fin mot de l'histoire, je ne veux pas qu'elle ait des ennuis à cause de moi. Déjà que ma caresse sur son pied a déclenché... tout ça... Mieux vaut jouer et laisser ça de côté... pour l'instant.
Je profite quand même de m'être absentée un moment pour demander à ma mère si Melody peut venir. J'ai un très mauvais pressentiment par rapport à son mec. Je sais que ça risque de poser plus de problèmes, mais je n'ai pas vraiment envie de la laisser seule avec lui.
Je me réinstalle dans le canapé pour jouer en attendant sa réponse qui ne tarde pas à venir.
- Eh, Melody. Ma mère demande si tu veux dormir à la maison ce soir.
Ce n'est pas strictement la vérité mais je préfère me dédouaner pour ne pas réveiller de parano. D'autant que le message de ma mère est un simple "Melody peut venir, si elle veut", donc je n'ai qu'à effacer ma question pour être crédible. Magie.
Les choses semblaient s'être enfin calmés. J'aurais éventuellement à en subir les conséquences mais premièrement j'y étais habituée et dans un second temps rien n'indiquait que Naomi puisse avoir compris quoi que ce soit, ce qui suffisait à me réconforter. Je ne m'attendais donc pas à ce que Naomi me propose de rester chez elle : une situation que j'évitais depuis déjà quelques années.
-"Je.." dis-je en la regardant, décidément prise de court.
Il fallait que je trouve très vite une idée ou que je me décide afin de ne pas éveiller de nouveaux soupçons chez mon amie d'enfance autant que chez mon petit-ami dont le regard ne se décrochait presque plus de moi. Finalement l'instinct de conservation ainsi qu'une part d'excitation prit la décision à ma place.
-"Bien sûr si ça ne dérange pas, par contre je n'ai pas mes affaires"
Une pensée peu catholique fusa devant mes yeux avant de disparaître comme la plupart de mes songes nocturnes avant que je ne me mette à réfléchir. J'étais sauvée du courroux de John pour un moment mais la perspective d'être seule avec la femme qui hantait mes nuits réveillait en moi une certaine anxiété ainsi que le désir de laisser éclater aux grands jours mon amour pour elle. Si seulement..
Il n'a pas aimé, ça se voit dans ses yeux, mais vu que j'ai déguisé ça en invitation de ma mère, il ne peut rien dire. Il nous reste quelques temps à jouer avant qu'on doive chacun rentrer chez nous, histoire de pas traîner trop tard en ville et de ne pas inquiéter ma mère. Pour l'instant, mieux vaut s'assurer que le reste de la soirée se passe sans incident.
Finalement, j'ai réussi à éviter qu'il y ait d'autres passages dérangeants pendant la soirée, le temps qu'on quitte l'appartement tous les trois, juste le temps de raccompagner Jack chez lui avant de prendre le bus pour rentrer. Je m'assois avec Melody dans le bus de nuit presque vide en lui souriant. Ça fait longtemps qu'on a pas eu l'occasion de passer une soirée toutes les deux, sans l'un ou l'autre de nos copains. C'est plutôt rare qu'on se voit, ou qu'on se voit seule à seule, c'est un peu dommage, c'était peut-être le moment de rattraper tout ça.
Le trajet va prendre une bonne demi-heure, ensuite eh bien... il est tard, donc je suis pas sûre de pouvoir rester éveillée longtemps, mais on verra bien.
Je passe le reste de la soirée à hésiter sur la marche à suivre. L'occasion qui m'est offerte et des plus exceptionnels et je serais folle et ingrate envers le destin de la laisser filer mais je ne peux pas décemment me jeter corps et âme dans une déclaration ou un baiser en espérant que mes sentiments soient partagés d'autant que je doute que cela plaise à mon actuel petit ami si ça venait à arriver jusqu'à ses oreilles. Je vais essayer mais tout en douceur. Telle est la conclusion auquelle je parviens après de mûres réflexions qui auront durés jusqu'à ce que nous pénétrions elle et moi dans ce bus. Mon regard se balade dans le bus presque désert : en effet seul le chauffeur et une vieille dame occupent le bus avec nous. C'est peut-être le moment d'amener le sujet.. Non évitons de a mettre mal à l'aise devant du monde.. Je rends donc à Naomi son sourire en essayant de paraître naturelle et ne pas fixer ses lèvres qui m'obsèdent. Je ne suis vraiment pas discrète..J'espère sincèrement qu'elle ne va essayer de creuser le sujet de notre baiser avant que nous ne soyons seules. Seules chez elle. Seules dans sa chambre. Calme toi. Le rouge doit déjà te monter aux joues à l'idée d'accomplir tes rêves les plus insensées.
Je suis fatiguée. Je m'en rends compte dès le moment où je m'assois, comme si mon corps avait attendu d'être en "sécurité" pour me rappeler qu'il est tard et que je n'ai pas beaucoup dormi. j'étouffe un bâillement en lançant un regard d'excuse à Melody. Je n'aime pas bailler devant les gens, ça m'est arrivé trop souvent qu'ils le prennent mal, même si je sais que ce n'est pas son genre. Je pose ma tête sur son épaule sans vraiment m'en apercevoir. C'est une vieille habitude, j'en oublierai presque tout ce qui s'est passé.
- Déconner entre amies, hm ?
J'ai à peine murmuré, d'une voix à moitié endormi, qu'elle puisse l'ignorer si elle n'a pas envie d'avoir à expliciter les choses, mais je finirai par savoir ce qu'il en est. Même épuisée, même si je dois me forcer à rester éveillée pour entendre le fin mot de l'histoire. Je n'ai pas cru une seconde à son mensonge, et j'espère qu'elle le sait - ça serait aberrant qu'elle imagine le contraire. En trente minutes de bus, j'ai le temps d'en apprendre plus, sauf si elle tient à "garder le silence" et à me laisser somnoler sur son épaule tout du long.
Sa tête vient se poser sur mon épaule et je réprime avec difficulté un frisson. Je ne laisserais rien filtrer. Pas pour l'instant. Je ne peux pas me permettre de creuser ce fossé entre nous plus encore, je ne peux pas me comporter comme une enfant égoïste à nouveau. Certes, je sais pertinemment que mes remarques ne sont que des mensonges pour m'éviter de me laisser aller et de caresser ses cheveux. Je ne suis pas sa petite amie. Je ne le serais jamais. Mes pensées continuent en des spirales de bribes de réflexions avant de tous disparaître en un instant, une fulgurance, une remarque. En effet sa remarque me tire de mon introspection et je me surprends à répondre d'une voix assurée.
-"Bien sûr que oui.. Pourquoi ça t'a plu? Tu vas fantasmer là dessus? Au pire, dis toi que je suis la coupable si ça peut te déculpabiliser des rêves qui emplissent ta tête ma jolie.." dis-je en riant.
Tout ça n'est qu'un masque, un jeu. Je manie cette attitude de flirt avec brio, du moins suffisamment pour faire disparaître les doutes de ses yeux depuis des années. Cependant.. si les doutes disparaissent, mes sentiments eux transparaissent quoi que je fasse pour qui sait regarder.
Oh, tu comptes t'évader avec une blague, fuir le sujet avec une provocation lancée au hasard ? Tu penses pouvoir échapper au sujet comme ça ? tss, tss, tss, Melo, tu devrais me connaître mieux que ça. Ma quête de la vérité n'a pas de limite.
- Qui sait...
A provocation gratuite, réponse équivalente. J'aurais presque envie de relever la tête pour voir si cette réplique a eu l'effet que j'imagine, le même effet que ma caresse sur sa cheville un peu plus tôt. Est-ce que je joue avec elle ? Non, pas vraiment, mais je veux savoir, vraiment, ce qu'elle cache sous ce mensonge, et si pour ça je dois tirer sur une corde sensible, je le ferai. Elle me connait assez pour savoir que je ne suis pas du genre à renoncer. Mais bon... même si je finis par savoir, je ferai quoi ? Maintenant que j'y pense, je n'arrive pas à savoir si tout ça a un but autre que la faire parler. Est-ce que je ne devrais pas plutôt respecter son souhait de ne rien dire de plus ? Continuer de voir la blague et laisser le reste sous le tapis ? Elle m'a embrassée... ma réponse tient là. Je dois savoir pour connaître ma réaction...
Je me calmais bien vite ainsi que mes peurs. J'avais bien entendu? Rien que d'imaginer que la demoiselle puisse réellement avoir ce genre de pensée balaya les derniers méandres d'obscurité dans mon cœur. Certes, je savais pertinemment que ce n'était qu'un rêve, une provocation, une blague au mieux, l'espoir persistait dans la moindre faille que pouvait laisser transparaître l'amitié de Naomi. Mes sentiments, en alerte, espérant s'y glisser et rayonner enfin. Le reste du trajet fut plus tranquille quant à lui: je n'eus pas à m'exprimer plus en profondeur sur mes agissements de la soirée et je crois même avoir réussi l'espace de quelques instants à apprécier la proximité retrouvée avec ma meilleure amie sans pour autant craindre de franchir une limite quelconque. Après tout, ne l'avais-je pas déjà fait en apposant la marque de ses lèvres sur les miennes..? Rien que d'y penser.. Il me faut faire un choix. Il me faut décider si je veux tenter de rejoindre la lumière ne serait-ce que quelques instants ou bien rester dans l'ombre.
-"Bon tu te dépêches petite faignante?" dis-je en riant alors que je sautais la marche pour descendre du bus.
Le trajet s'est passé plus vite que prévu, j'ai dû somnoler pendant une partie de la route. D'un côté, ça m'arrange, je suis pas fan des bus, une fois sur trois ça me rend malade. Je souris en la suivant dehors, lui apposant une pichenette sur le front en répondant à sa remarque.
- C'est pas de ma faute, je suis trop fatiguée à force d'essayer de comprendre ce qui se passe dans cette petite tête.
Puis je tire la langue avant de marcher à ses côtés pour rejoindre l'appartement où je vis avec ma mère. Seulement deux minutes à pieds avant de rejoindre le hall. Trois étages - en ascenseur, je suis trop crevée pour tenter l'escalier - et je m'appuie sur la barre en verre au milieu du mur, qui je crois est censé être une poignée mais qui me sert quand même plus souvent de siège.
- Ça faisait longtemps, n'empêche. Ma mère va être contente de te voir.
C'est vrai que je n'avais pas invité Melody chez moi depuis un certain temps. C'est dommage, d'ailleurs, on se rendait souvent visite avant et puis... je sais pas, on a arrêté sans que je sache trop pourquoi.
La remarque venait de me frapper comme un éclair. Je tentais de garder une certaine constance pour ne rien dévoiler. Certes, j'avais pris la décision de tenter l'aventure quitte à m'y brûler les ailes et de voir John se défouler après coup sur moi. De toute manière, dans ma situation, rien ne pouvait être pire que lui. Je me fendais d'un sourire pour esquiver la question. Tout autre option aurait été trop suspecte. Voilà d'ailleurs une chose que j'ai hâte de voir disparaître en même temps que ce poids sur mon cœur : devoir tout prévoir. C'est presque une nouvelle vie qui commencera. Une nouvelle vie où les coups et les blessures viendront sûrement remplacer les déchirures de mon cœur à chaque baiser que je surprends entre Jack et Naomi.
-"C'est vrai que ça fait un bail dis comme ça"
Elle ne pourrait pas avoir plus raison que ça : chaque pas, chaque pan de mur, chaque son dans cette immeuble me semble faire écho à un passé depuis longtemps révolu. Un passé que j'ai décidé révolu pour son bien. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et nous ne tardons pas à arriver chez Naomi.
Malgré la fatigue, je sautille presque pour rentrer chez moi. Déjà parce que ma mère a l'habitude de me voir comme ça et qu'elle panique dès que je suis un peu trop crevée, et parce que ça fait quand même vraiment plaisir de pouvoir repasser du temps avec Melody, en oubliant les circonstances bizarres.
- Bonsoir m'man.
Je la prends dans mes bras et elle sourit, me rendant mon câlin avant de s'écarter pour saluer Melody.
- Ça faisait longtemps, ça fait plaisir de te revoir. Je vous ai sortis des pop-corns, si vous voulez regarder un truc dans ta chambre avant de dormir, ajoute-t-elle à mon attention.
Je hoche la tête en la remerciant. Elle a déjà dû les poser sur mon bureau, ma chambre ne lui est jamais fermée, après tout, je sais qu'elle n'est pas du genre à fouiller dans mes affaires. Puis je prends la main de Melody pour l'entraîner avec moi jusqu'à ma chambre.
- Bonne nuit les filles ! - Bonne nuit m'man !
Elle ne va probablement pas tarder à aller se coucher, mais je pense qu'on ne restera pas éveillées aussi longtemps qu'elle le pense; Mon coup de barre est passé, mais j'ai encore vachement sommeil.
J'assistais dans le plus grand des silences aux retrouvailles entre Naomi et sa mère. Je dois dire que j'avais toujours été eu l'impression d'être jalouse de l'ambiance chez les Lawford : pour ma part, mes relations avec mes parents étaient, somme toute, inexistantes. Je laissais très vite de côté ces impressions qui n'avaient pas leurs places pour saluer la mère de mon amie.
-"Bonjour Madame, je suis contente de vous revoir" dis-je en restant la jeune fille polie et agréable que j'avais toujours été en sa présence.
L'attitude protectrice et bienveillante de la mère de Naomi me rappelait le malaise que j'avais pu ressentir lors de mes premiers émois pour sa fille. Me verrait-elle différemment? Son attitude viendrait-elle à changer? Des craintes que j'avais fui comme mes sentiments pour la blondinette.. Je n'eus pas le temps d'alimenter de plus amples façons mes souvenirs et mes remords que je sentais la main douce et chaude de ma meilleure amie se saisir de la mienne. Le moment fatidique arrivait. J'allais devoir répondre de mes actes dans l'intimité d'une chambre. Je franchissais donc la porte de sa chambre à sa suite. Cette chambre m'avait tellement manqué. J'aurais aimé pouvoir y ériger un refuge où j'aurais pu aimer Naomi. La culpabilité en avait décidé autrement.
Bon, ma chambre n'est pas trop un piège inextricable. Il y a des vêtements et des livres qui traînent mais on a vu pire, Melo a vu pire pour être honnête. Je n'ai jamais été le genre de fille qui range sa chambre quand des gens viennent, et ma mère jamais le genre à m'y forcer tant que c'était propre. Du coup, forcément, les amis de longue date l'ont vue rangée comme totalement bordélique. Là on est dans du presque rangé, peut mieux faire mais vivable.
Les pop-corns dont parlait ma mère sont effectivement posés sur mon bureau, dans un bol assez grand pour être presque qualifiable de saladier, en fait. Je les attrape pour les poser sur ma table de chevet avant de m'asseoir en tailleurs sur le lit, invitant Melo à me rejoindre d'un regard. Je n'ai pas abandonné l'idée de lui faire cracher le morceau sur la vraie raison de sa surprise de tout à l'heure, mais être là avec elle me remplit de nostalgie. Je me demande quand on a arrêté de se voir toutes les deux comme ça...
The Wiesel Den 
