Magda Ziegler

Ice Machine de Depeche Mode vient de se lancer dans les écouteurs noirs qui éloignent Magda du reste du monde. Sa tête commence à osciller, de haut en bas, légèrement. Les battements de son coeur s'harmonisent avec la musique, elle oublie ce qu'elle fiche dans cette galère. Elle n'avait pas choisi le sens de sa vie, pas plus que la direction, et elle n'aimait pas le monde dans lequel elle vivait, alors parfois, l'espace d'un album sur un Mp3, elle oubliait le reste. Tout le reste.

Elle oubliait son enfance, sans histoires, ou du moins moins belle que dans les souvenirs que tout le monde. Elle oubliait que ce n'était pas son enfance qui avait posé problème, mais plutôt qu'elle était la troisième et que tout avait déjà été fait par les deux autres. Elle oubliait que personne ne donnait cher de son avenir et qu'ils ne faisaient même pas exprès. Elle oubliait qu'elle était aimée mais que ça restait bien trop discret par rapport à ses besoins.

Parfois, elle se souvenait de bribes de son adolescence. Elle avait redoublé trois fois, était passée par tous les styles avant de s'arrêter sur un précis. Celui qui dérangeait le plus ses parents, qui n'y comprenaient rien. Elle se souvenait très bien de la tête de sa mère quand elle l'avait vu rentrer un jour toute de noir vêtue. De la claque et de la revente sur un site spécialisé de tout ça. Mauvais souvenir.

Elle oubliait aussi que si elle avait raté ses études c'était simplement parce que personne n'avait cru en elle. A force d'entendre qu'elle n'arriverait à rien elle avait fini par l'intégrer et par tout rater. Le problème quand on est au milieu d'une fratrie de trois enfants. On compte sur le premier, sur le dernier, et le seconde est une sorte de comparatif avec deux jambes et un demi cerveau.

Trois minutes. Le temps passe vite. Les écouteurs glissent des oreilles pour retrouver le sol. Elle retrouve son quotidien. Et elle est plutôt fière. Elle a réussi à passer un CAP trouvé par hasard, elle peut dessiner dans son coin sans qu'on vienne la chercher et elle avait trouvé un travail aussitôt. Son fort caractère et son look atypique avaient grandement joué en sa faveur. Elle croit en rien et en tout le monde à la fois. Mais ce qu'elle n'avait pas imaginé un seul instant est que ça serait devenu sa plus grande force. En trois ans elle avait trouvé le moyen de se faire respecter et de passer la majorité de son temps hors travail seule. Elle n'aurait pas pu réver mieux.