Je l’écoute tout en grignotant une tartine pendant que lui, il s’affaire à la préparation de ma boisson. Ah… Merde. J’ai dit un truc qu’il ne fallait pas. Ca a titillé sa curiosité sur un sujet que je n’aime pas aborder. Tant pis. Au point où j’en suis… De toute façon il doit déjà se douter que je suis en Forge. Enfin...que j’ai des problèmes psychiatriques et que je ne suis clairement pas en Gifted ou Tradition. Et que je ne serai pas en Classic à la rentrée.

- Ouais… J’suis jugée trop dangereuse pour mon entourage pour pouvoir rentrer chez moi toute la durée des vacances. J’peux même pas être en dortoir avec les autres. Du coup j’ai une résidence sécurisée...

Je le remercie pour le chocolat chaud et souffle un peu dessus pour éviter de me brûler au moment de boire une gorgée. Je lui parle aussi du fait que je n’ai aucun vêtement de rechange et donc que prendre une douche chez lui est un peu compromis. Il me rétorque alors qu’il me prête l’un de ses t-shirts. Mouais. Ce n’est pas hyper discret de se balader avec un habit trop large mais dans le pire des cas, ils croiront juste que Chris est éventuellement mon petit-ami et que j’ai embarqué son t-shirt. Ce sera toujours mieux qu’un vêtement déchiré et taché de sang. Sur ce point, je ne peux que lui donner raison.

Je suis tranquille jusqu’à ce que je tilte que j’ai mes médicaments dans ma résidence. Et évidemment, il faut que ce soit un traitement à prendre dès le matin. Le genre de truc censé calmer mes hallucinations...quand je n’oublie pas de les prendre. Je crois d’ailleurs que j’ai fait peur à Chris avec cette histoire de traitement. Oups...

- Oui et non. J’ai pas l’impression qu’il soit réellement efficace mais ouais, j’risque d’avoir encore des hallucinations. Avec un peu de chance ce ne sera que des trucs du style chien mignon, fillette qui court, une voiture volante, etc. Avec de la malchance ça sera des trucs du genre araignée géante, bus qui s’encastre dans une maison, type qui veut me buter, alien qui s’attaque à quelqu’un, etc etc...

Bref même sans traitement, il y a une chance pour que ce soit des trucs sans gravité.

- En fait, techniquement hier soir je n’avais pas pris mon traitement non plus...

Techniquement je ne l’ai pas pris hier tout court. Et je crois que le jour d’avant non plus. Je ne sais plus. Pendant que je termine de prendre mon petit-déjeuner, il se met sur son pc et commence à noter ses instructions. De mon côté, je ‘interroge surtout pour savoir quel genre d’études il fait. Un type armé qui connaît des trucs de soin, pour moi c’est quelqu’un qui étudie la médecine ou les trucs scientifiques. J’étais cependant très loin du compte. Totalement à côté de la plaque.

- Ah… Absolument rien à voir avec ce que j’imaginais.

Enfin je ne doute pas que ses instructions ne sortent pas de son imagination. Je n’y connais rien de toute façon alors même s’il me disait qu’il faut noyer mon bras dans du whisky, j’y croirais. Lorsque j’ai terminé de manger et de boire, il s’occupe de vérifier ma plaie. À en croire son sourire, ça a l’air d’aller. Il me le confirme même. Tant mieux j’imagine. Je ne perds donc pas plus de temps et file sous la douche. Le nettoyage en douceur laisse un peu à désirer parce que même si j’ai mal et que je n’y vais pas comme une sauvage pour autant, je ne suis pas vraiment douée pour la douceur. Pas sur moi en tout cas. Du coup c‘est sans surprise que je découvre ma plaie qui se remet à saigner. Toutefois ce détail est rapidement oublié alors que je me mets à discuter avec quelqu’un qui n’existe pas. Enfin il existe mais dans un autre pays et non dans la salle de bain d’un étudiant.

- Pourquoi t’es parti ? Tu m’as manqué espèce d’idiot.

Et la conversation continue jusqu’à ce que je termine ma douche. Je me rhabille en enfilant mes vêtements de base, mon t-shirt déchiré compris, puis ressors de la salle de bain en tenant le t-shirt de Chris dans les mains. Je ne peux pas le mettre tout de suite. Sauf s’il a envie que son truc soit aussi taché de sang.

- Ca saigne à nouveau... J’ai pas osé mettre ton t-shirt sinon il sera aussi tout taché. J’le mettrai plus tard.

En observant un peu la pièce, j’aperçois à nouveau le matériel de soin. Une chose est sûre, il s’est bien occupé durant ma séance de lavage. Je m’installe sur une chaise et regarde l’étudiant tout en le laissant s’occuper de ma plaie.

- Au fait, comment ça se fait que t’aies une arme à feu ? T’as un permis pour ça au moins ?

Mon frère trouvait qu’Austin était louche et qu’il cachait quelque chose mais ce n’est rien à côté de Chris. Si Alexeï découvrait que ce type m’a menacée avec une arme et qu’en plus il sait recoudre des gens en refusant de les faire aller à l’hosto, il deviendrait fou. Peut-être qu’il changerait d’avis sur mon ex tiens.

Comme si l’explication de l’alien qui attaque ne suffisait pas, je lui en ai fourni une deuxième. Plus de précisions sur mon état mental. A que coucou je suis bonne pour l’hôpital psychiatrique. Bon hier je n’avais pas toute ma tête non plus. Remarque, je ne suis pas sûre de l’avoir eue ne serait-ce qu’une fois dans ma vie depuis la mort de ma mère… Et ce n’est pas en oubliant ma médication que je vais améliorer mon cas. Il me fait un peu la morale à ce sujet mais je ne réponds rien à cela. Ca ne servirait à rien à part gaspiller notre salive. Je sais que je dois prendre un traitement, je sais aussi ce que je risque en l’oubliant, pas la peine que j’argumente là-dessus.

Quelques minutes plus tard, la douche est prise mais je ne reviens devant Chris qu’à moitié vêtue. Le t-shirt est toutefois porté devant mon buste afin de me cacher un minimum face à l’étudiant. Evidemment ça le surprend. Il fallait s’y attendre. Je lui explique donc la raison qui est très simple. Ma plaie saigne, c’était ça ou salir son vêtement. Je m’assieds alors sur une chaise et les soins recommencent.

Pendant le changement de bandage, je me laisse un peu aller à la curiosité et le questionne à propos de son arme. Je sais qu’il faut un permis pour ces trucs normalement. Un étudiant qui se balade avec ça, c’est louche. Je ne suis même pas sûre que ce soit réellement autorisé pour quelqu’un de son âge. Enfin...j’imagine qu’il doit avoir à peu près le même que moi. Donc au final c’est peut-être autorisé en fin de compte. J’en sais rien… Je n’obtiens toutefois aucune réponse à mes questions. Sauf grosso merdo un « Moins t’en sauras, mieux ça vaudra ». C’est comme ça que je le prends en tout cas.

- Ben j’risque pas de le dire…

Comme dit, je passe bien souvent pour une folle. Si je dis que Chris a une arme, en connaissant mes ennuis mentaux, les gens croiraient que j’hallucine. Encore…

Le pansement étant changé, j’enfile finalement mon t-shirt plus celui du jeune homme. J’essaie d’enfiler une partie du vêtement dans mon pantalon mais ça fait très bizarre. Je ressemble plutôt à un sac à patate mal refermé en fait…

- Oui oui j’vais le faire, t’inquiète pas.

J’ai un peu l’impression d’être couvée par un papa qui n’a pas confiance en son gosse. C’est un peu dérangeant. M’enfin tant pis. Pendant qu’il va se laver, je tire sur le t-shirt pour le ressortir du pantalon et le laisser pendre mode chemise de nuit. Je prends ensuite les papiers et les mets dans mon sa...euh...quel sac au fait ? Je n’ai pas percuté avant mais en fait il me parle de sac sauf que je n’en ai pas. Bon du coup je plie juste les feuilles et les enfonce dans mes poches. Je reste ensuite assise sur la chaise en attendant le retour de Chris. Je ne sais pas trop quoi faire et puis même, je n’ose pas trop bouger. Je ne suis pas chez moi, je n’ose vraiment pas toucher à quoi que ce soit.

Lorsque l’étudiant ressort de la douche, j’attends encore un peu afin de le laisser être réellement prêt au départ puis me lève. Au moment de partir, je passe la porte de sa chambre et prends la direction de la sortie. Puisque nous sommes tous les deux sur le campus, on a l’avantage de ne pas avoir besoin de faire trop de route pour retourner vers les résidences sécurisées. Sur le chemin, une hallucination attire mon attention mais rien de bien méchant. Juste une tentative de poursuite derrière un enfant imaginaire qui n’a rien à faire dans la zone de l’université. Et puis on arrive finalement à ma résidence sécurisée. Une fois devant la porte, je regarde Chris avec un petit sourire.

- Merci pour m’avoir raccompagnée. Et pour ton t-shirt… J’le nettoierai avant de te le rendre.

Simple question de respect. Il me l’a prêté, je trouve normal de faire en sorte de le rendre propre avant de le redonner à son propriétaire.