[2020 - 2021] Temps différents, mêmes différends

Temps différents, mêmes différends

Aujourd'hui est venu le temps de la visite chez le psy. Ça fait longtemps que je n'avais plus pris de rendez-vous pour consulter. C'est dû à mon antécédent de Potion, parfois, il faut que je consulte pour "estimer ma stabilité mentale". Honnêtement, je trouve que je vais plutôt bien, entre mon arrêt de la drogue, mes aventures et tout les bénéfices qui vont derrière, non, vraiment, je vais bien. Le seul truc qui serait bon pour moi, c'est que ma mère revienne enfin. On m'a dit quand j'étais plus jeune qu'elle est partie il y a longtemps mais qu'un jour, elle reviendra, donc je pouvais toujours y croire. Il y a des moments durant mes nuits où je refais ce cauchemar où je suis enfermé dans une chambre à regarder un film d'horreur en boucle, mais heureusement, ce n'est qu'un cauchemar, pas la réalité.

Je me rendais donc au psy pour mon suivi, en plein weekend, j'avais forcément le temps de me balader un peu. En plus, exceptionnellement, mon mari est à la maison ce weekend, je vais enfin pouvoir lui parler sans passer par des téléphones ou autre. L'occasion de mettre en stand-by quelques jours certains numéros de mon mobile.

Me grillant une clope, je me dirigeais vers mon rendez-vous en utilisant les transports en commun. J'aurais pu utiliser ma voiture, mais se garer à Londres, c'est d'un casse-tête... Non, vraiment, à pieds, on est bien. J'entrais donc dans la salle d'attente, non sans me déclarer à l'accueil que j'étais là pour le rendez-vous de 9h30. Un peu en avance, certes, mais c'était mieux que rien. Par chance, il n'y avait pas beaucoup de monde, juste une autre personne avant moi, un mineur, donc aucun risque que je ne dérape, en plus, j'avais fumé ma clope. Pour détendre l'atmosphère, j'avais décidé de lancer une conversation.

-Hey salut toi! Alors, qu'est ce qui t'amènes ici, si ce n'est pas indiscret? Si t'es là, c'est qu'on a soi-disant un souci dans la caboche, alors que c'est pas toujours vrai.

Un peu direct, mais ça avait le don de faire parler. Si c'était un élève d'Indarë, il m'aurait certainement reconnu, étant donné que je passe souvent dans l'établissement, ou au moins savoir que je suis un professeur. Sinon, c'est un enfant ne venant pas d'Indarë, mais le monde est petit, alors ça ne m'étonnerait pas tant que ça qu'il en fasse parti. En tout cas, je préférais discuter que lire les magazines déjà has been de la salle d'attente. Je suis même sûr que depuis la dernière fois, ils n'ont pas changé de place, ça ne m'étonnerait même pas.

Temps différents, mêmes différends

J'étais donc assis avec ce jeune homme qui, semblait-il, avait pleuré, à moins qu'il ait les yeux défoncés, mais ça, ça annonçait autre chose. J'avais donc décidé de lui faire la conversation, histoire de passer le temps avant ma consultation. Pour être honnête, je suis sûr que tout va bien de mon côté, alors pourquoi je continuais à y aller? Apparemment, je pouvais "rechuter" à tout moment, mais c'était mal me connaître, je suis stable désormais, tout ce qui a de plus stable! Avec ses cheveux longs, j'aurais pu le prendre pour une femme de loin, mais en regardant de plus près, c'est bel et bien un homme. J'avais donc entamé une discussion avec lui, et sa réponse me fit hausser un sourcil. Avoir peur? C'est si horrible que ça? Je l'écoutais donc, sans rien dire, et quand il s'exprima, je devais avouer que je ne savais pas quoi penser. Préférant prendre ça à la rigolade, je le regardais en riant un peu.

-Je ne sais même pas ce que c'est, la dysmorphophobie, je risque pas d'avoir peur! Et sinon, je suis là pour un suivi psychologique. On me suit depuis le collège pour voir si je ne retombe pas dans mes addictions, si ma santé mentale est normale, si tout se passe bien dans ma vie, etc. La routine habituelle quoi.

Je m'étire un peu, attendant patiemment mon tour, quand bien même ça ne devrait plus tarder. En attendant, je continuais de discuter avec le jeune homme et je décidais de le tester un peu.

-Tu te drogues? Parce que ces yeux explosés, je les connais bien, je les ai souvent vu... dans un miroir. En tout cas, fait attention, je te déconseille de faire ça à la seringue.

Réfléchissant un peu et vu son état, je me dis que finalement, c'était plus simple que je le pensais. Je riais un peu, me reprenant avec le sourire.

-Hey, je plaisante. J'espère juste que ce n'est pas la drogue qui a mis tes yeux dans cet état, ça serait bête à ton âge, surtout que tu m'as pas l'air si vieux que ça.

Je continuais alors de parler avec le jeune homme voulant faire connaissance avec lui. D'ailleurs, en parlant de faire connaissance, j'avais oublié de me présenter. C'est aux adultes de montrer l'exemple, non? J'allais donc me présenter, quand soudain, on m'appela pour mon rendez-vous, donnant le nom de Monsieur Marshall. Me levant alors, je fixais l'adolescent.

-Bon, je crois que c'est mon tour. Allez, on se dit à tout à l'heure? Je te paierai un café ou la boisson de ton choix si jamais tu as envie de parler, enfin, sauf si tu préfères partir, c'est comme tu veux.

Je rentrais alors dans le cabinet, et ce fut parti pour les questions habituelles. Oui, je vais bien, non, je n'ai pas sombré à nouveau dans la drogue douce ou dure. Ma vie professionnelle se porte à merveille, et je suis toujours marié pour l'instant. Non, aucun problème, tout va bien. En revanche, il faudrait qu'il arrête d'insinuer que ma mère est morte il y a 20 ans. Il aura beau m'apporter toutes les preuves du monde, je ne le croirais pas. Ma mère va bien! Elle est juste partie il y a longtemps, mais elle reviendra! C'est pas parce que j'ai encore des rêves d'elle qui se fait tuer en boucle que forcément, c'est la réalité, il faut arrêter. Une demi-heure plus tard, l'entrevue se termina, avec un rendez-vous dans 6 mois. Conclusion : Je vais bien, quelle surprise. Sortant donc, je me retrouvais à l'accueil, près de la machine à café, cherchant le jeune homme qui était avec moi tout à l'heure, me demandant s'il était toujours présent.

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Le jeune homme n'avait pas trop envie de rire, après, quand on vient de pleurer, c'est difficile de rire derrière face à une blague qui n'était pas si exceptionnelle que ça. Il m'expliqua alors qu'il ne touchera jamais à la drogue et qu'il avait pleuré lors de sa séance chez le psy. Pauvre petit bout. Bon allez, un café avec lui ne lui fera pas de mal, ça fera ma bonne action du jour, surtout qu'il avait plutôt l'air du genre solitaire. Le rendez-vous chez le psy s'est bien passé, il voulait juste voir mon évolution, rien de plus. Une fois qu'il avait vu que j'étais encore parfaitement sain d'esprit, je revins à la salle d'attente pour payer ma séance et regarder si le jeune homme était encore dans le coin.

Pour être honnête, je ne pensais pas qu'il serait encore là après mon rendez-vous. C'est un bon garçon. Je le regardais alors avec le sourire, me permettant de lui donner une petite tape sur l'épaule, en guise de sympathie.

-Oh c'est bien, tu es encore là! Je pense que tu as bien mérité quelque chose à boire. Je connais un bon café dans le coin, si tu n'as rien de prévu. Suis moi!

J'indiquais alors au jeune homme de me suivre, sortant du psy. C'était étrange qu'il soit seul dans ce genre de lieux, mais ce n'est pas très grave. Ce qui l'était un peu plus, c'est qu'il ait accepté de venir avec moi sans broncher, heureusement que je suis doté de bonnes intentions, tout le monde n'est pas comme moi malheureusement. Je l'emmenais donc au café le plus proche, me présentant.

-Il me semble que j'ai déjà vu ta tête, brièvement. Je suis professeur à Indarë, donc tu n'as rien à craindre. En revanche, je ne crois pas que je fais parti de tes professeurs. Je me présente, professeur Marshall, j'enseigne la musique à l'ISS et à l'université en spécialité.

Oui, pour lui, ça sera professeur Marshall. Il n'était pas majeur et je n'étais pas dans l'humeur de draguer, ça change de l'ordinaire. Nous arrivâmes alors au café et nous nous installâmes, l'un en face de l'autre. Attendant que l'on prenne notre commande, je continuais à lui parler.

-Ça fait combien de temps que tu vas chez le psy? Si ce n'est pas indiscret. Moi ça fait depuis ... euh ... 15 ans, je dirais? Mais faut pas s'en faire, c'est juste un suivi, pour éviter des rechutes. Et on va dire que j'ai fait quelques ... pauses. Si tu y vas de manière assidue, tu en auras fini plus rapidement.

C'est vrai que je suis pas le meilleur exemple en terme d'assiduité, notamment quand j'étais à la fac. Lui donner les bonnes indications l'aidera peut-être pour son avenir, surtout qu'il était encore plutôt jeune, il avait le temps de guérir. Maintenant, il ne restait plus qu'à passer commande. Pour ma part, je n'avais qu'une hâte, c'est de déguster un bon chocolat chaud.

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Ainsi donc, le jeune homme avait aussi des cours de musique à l'IRS, c'est donc pour ça que je le n'ai jamais croisé dans mes cours, étant donné que j'enseigne qu'à l'ISS et à l'université. En même temps, j'enseigne
à tout ceux qui ont pris musique en spécialité, et non en matière générale, ça, il faut voir avec l'autre professeur de musique en fonction à Indarë. Une boisson chaude après une séance chez le psy, ça nous fera le plus grand bien. Je ne suis clairement pas contre l'idée de boire un chocolat chaud plutôt qu'un café, surtout en hiver. C'est le petit moment de gourmandise de la saison, alors pourquoi s'en priver? Maintenant que j'y pense, c'est la troisième personne avec un nom japonais que je croise en moins d'un an, c'est à croire qu'il y a eu un vrai flux d'immigration nippone vers le Royaume-Uni, mais je ne vais certainement pas m'en plaindre, ça fait du bien d'avoir de la diversité, ça permettait de voir et d'apprendre de nouvelles choses. J'esquissais un sourire à ces pensées. M'asseyant en face du jeune, nous continuâmes de discuter et, entre deux phrases, commandés nos chocolats chauds.  C'est alors qu'il me posa une question intéressante qui m'aurait probablement gêné en temps normal, mais il fallait que j'y réponde, ça pourrait lui servir d'exemple et le pousser à être régulier. C'est donc avec le sourire, et en voyant les tasses de nos boissons chocolatées que je lui répondis.

-Et bien... on va dire qu'à certaines périodes de ma vie, je me suis perdu. J'ai commencé à enchaîner les bêtises et donc, ne plus faire attention au suivi et de nouveaux problèmes se sont accumulés aux précédents. C'est pour ça que même si c'est dur et que ça peut paraître long, il faut continuer. Au bout d'un moment, ça te fera du bien et tu seras plus rapidement sur le chemin de la guérison. Moi de mon côté, c'est juste une simple visite, je sais pas si nos cas sont comparables... Je pense que d'ici quelques années, voire moins, on me dira que je peux arrêter d'y aller.

Je n'avais pas vraiment de gêne pour parler de ça, en revanche, je ne veux juste pas que l'on connaisse les raisons. On m'a souvent fait remarquer que mon histoire pouvait en choquer plus d'un et qu'il fallait mieux ne rien dire. Je bus une gorgée de mon chocolat chaud, conversant alors avec Haku à voix basse, pour éviter que d'autres personnes m'entendent, les détails pouvant être un peu délicat pour lui

-Le psy est une personne qui veut ton bien et t'aider à aller mieux. Si tu dois pleurer, fait donc. L'angoisse, c'est normal, car tu as peur de ce que tu peux dire, mais ça te renforcera. On réagit tous différemment, moi, j'étais très fermé et je ne disais pas un mot. L'essentiel, c'est de se trouver et de s'occuper. Par exemple, en dehors des cours, tu fais quoi pour t'occuper. Tu as le droit de dire autre chose que réviser ou faire tes devoirs, on est en dehors de l'établissement, ça reste entre nous deux.

De toute façon, s'il m'avait dit ça, je l'aurais plutôt pris pour un hypocrite ou alors quelqu'un de très poli qui veut faire une bonne impression. Les professeurs ne sont pas dupes, on sait bien que les élèves ne font pas que réviser et faire leurs devoirs à longueur de journée, ils ont des activités qui leurs sont propres.