(PNJ) Le maître de mes caméras ? [Joshua]

Quitter Indarë... Pfiou, qu'est-ce que ça fait bizarre. Me regardez pas comme ça, contrairement à vous qui n'y êtes restés que quatre ans, j'ai vécu toute ma vie ici, moi. Et même si je reste à l'université l'année prochaine, bah ça me fait quand même quitter mon terrain de jeu préféré. Enfin il faut voir le bon côté des choses : j'ai réussi à me faire une petite réputation, et l'université ne m'arrêtera pas. Vous avez cru quoi ?

La remise des diplômes, c'est aujourd'hui. Liam est en train de faire son discours. Je mentirais pas : c'est assez drôle. Je l'aime bien. Vu ce qu'il a fait, je devrais sûrement pas, surtout que j'ai des images inédites de ses problèmes avec Tess et de sa relation avec Amelia, mais on se refait pas. Il semble que j'aie un faible pour les causes perdues.

Parlant de ça, j'en ai une à côté de moi. Alix. Alix et Hannah, plus précisément. J'ai mis beaucoup trop d'efforts pour les recoller ensemble, ces deux-là, ils sont plus bornés qu'un circuit fermé. Enfin bon, au moins ça a fini par marcher.
Tiens, je me demande qui c'est, ce gars à côté d'Hannah. Je l'ai jamais vu ici, donc il doit être de sa famille. Mais pourquoi je l'ai jamais vu en ville ?

Je suis montée sur scène, et j'ai dû me retenir très fort de ne pas faire un discours. Ça me fait bizarre de dire au revoir à tout ce monde. Ou plutôt, de ne pas leur dire au revoir, vu qu'à part récupérer mon diplôme et retourner m'asseoir, je n'ai pas grand chose à faire. C'est dommage. J'aurais peut-être dû tricher pour avoir de meilleures notes que Liam et pouvoir faire le discours.
Enfin bon, c'est trop tard.

Je retourne m'installer près de mes deux idiots préférés jusqu'à ce que ce soit au tour d'Hannah d'aller récupérer son diplôme. Son frère me perturbe. Il est vissé à son téléphone depuis un moment. Du coup, quand il se lève en ayant toujours les yeux fixés dessus, je plisse les miens. Qu'est-ce qu'il fait ? Ma curiosité naturelle reprend l'avantage. Je le suis aussi discrètement qu'à mon habitude. Enfin bon, s'il me voit, c'est pas la mort.

- Tu fais quoi, là ?

Comment ça "à moi" ? D'où il se permet de me voler mes caméras, lui ?

- Qui t'a permis...

Non mais, personne ne lui a dit qu'on ne vole pas les affaires des autres ? Pour qui il se prend ?

"Je démonte la caméra". Non mais il est sérieux, là ? Je lui jette un regard noir.

- C'est la mienne.

Ben voyons, monsieur n'a pas besoin de permission. Ça s'appelle me voler mes affaires, et je n'ai aucune intention de le laisser faire sans protester. Je croise les bras. Ce n'est pas la plus importante de mes caméras, mais il y a des gens qui se planquent des fois dans ce coin pour faire des choses pas toujours recommandable. Je veux les avoir sous la main.

Trop jeune ? J'affiche un sourire ironique. Je ne sais pas quel âge il a, il ne doit pas être bien plus vieux que moi. Mais je suis sûre d'au moins une chose.

- Indarë est mon terrain de jeu. Trouves-en un autre.

Je suis prête à lui concéder une partie de Londres, mais certainement pas mon école. Je suis née et j'ai grandi ici. C'est mon territoire, mon terrain de chasse, mes ragots et mes rumeurs. Pas ceux d'un gars sorti de nulle part qui se croit tout permis.

Raaah, il m'agace ! Il m'ignore à moitié et je n'aime pas qu'on m'appelle "choupi". Je hausse un sourcil avec une moue agacée.

- De tes bases ? Alors retire-les. La ville est assez grande pour que tu trouves autres choses que mon école.

Je n'aime pas qu'on me pique mes affaires ou qu'on empiète sur mon territoire. Il a l'air de savoir qui je suis, en plus, ce qui est encore plus agaçant. Pff. Moi aussi, je sais qui c'est : c'est le frère d'Hannah. Et un voleur.

- Ils t'apprennent à piquer les affaires des autres, en cours d'informatique ?

C'est dommage, s'il avait ses propres caméras, ça aurait pu être quelqu'un d'intéressant et d’intrigant. Mais là, je vois juste un gars qui n'est pas capable de faire ses propres placement et qui préfère se servir chez les autres.

- Pourquoi tu fais ça ? Tu n'es pas capable d'en installer toi-même ?

Est-ce que la provocation marchera vraiment ? Pourquoi pas.

Il me regarde comme si j'étais un bébé chat. C'est... super frustrant, en fait. J'ai l'impression d'avoir trois ans. Et c'est d'autant plus agaçant que je me sens presque forcée de bouder comme une gamine. Mais c'est lui qui me vole mes caméras et qui se comporte comme si elles lui appartenaient ! C'est super énervant. Pff.

- C'est pas une raison pour t'en servir sans me demander mon avis.

Il a quand même piraté les caméras que j'ai piraté et celles que j'ai volées. Celle qu'il me montre, elle est aussi à moi. C'est une de mes caméras dans l'ombre. Je n'aime pas l'idée que quelqu'un voit à travers mes yeux. C'est... gênant. J'ai l'impression de me trimbaler à poil.

- Je change mes caméras quand l'école les trouve. Ou quand ils récupèrent les leurs. Ou quand quelqu'un se les approprie.

Bien sûr que je vais les changer, ce sont mes yeux. Je ne veux pas que mes yeux appartiennent à quelqu'un d'autre. Ça serait comme... je sais pas, déposséder quelqu'un d'une partie de son corps. Je suis pas la petite sirène, je marchande pas mes fonctions vitales avec des apprentis sorciers. Et je veux être la seule à utiliser mes yeux.

La différence ? La différence c'est que je veux être la seule à le faire. C'est comme manger avec la fourchette de quelqu'un d'autre, boire dans son verre, en soi ça ne change rien, mais il y a peu de personnes qui le font. Question de... principe ? Propriété ? Je ne sais pas trop, mais je sais que ça me dérange.

- Je n'aime pas que quelqu'un d'autre utiliser mes caméras. C'est comme si quelqu'un portait tes sous-vêtements sans ton accord et les rangeait sales dans ton placard.

Enfin, cette comparaison implique qu'il porte des sous-vêtements propres, voire même des sous-vêtements tout court. S'il ne sort jamais de sa chambre, si ça se trouve, il se promène à poil en permanence. Maintenant que j'y pense, c'est presque encore plus dérangeant de l'imaginer, nu, à regarder mes caméras.
De l'imaginer nu tout court, déjà. Pourquoi je me pose ce genre de questions ?

- Mon silence ? Comment ça ?

Il s'attend à ce que je le dénonce à qui, exactement ? Auprès de qui il cherche à acheter mon silence ? À moins que ça soit une manière détournée de me dire de me taire...

Donc il comprend que je veut qu'il ne puisse jamais me refaire un tel coup ? Ça veut juste dire qu'il s'en fiche, alors ? Ou bien il a dit ça sans comprendre le lien avec notre situation. J'arrive pas à savoir s'il est idiot, s'il se fout de moi, ou s'il est juste handicapé social. Limite, vu la sœur, je dirais le troisième.

- Mes caméras ne sont pas à vendre. Et tu veux que je dénonce quoi, tu as des petits secrets à cacher ou quoi ?

Ouhla c'est mauvais, il a fait repointer ma curiosité de base pour ce genre de trucs. Maintenant j'ai envie de connaître des petits détails de sa vie et des infos intéressantes à collectionner. C'est comme les cartes pokemons, mais en plus amusant. J'ai envie de savoir des choses. Des choses qu'il n'a pas envie de dire ou pas envie de montrer. Mais bon, s'il est comme moi, peut-être qu'il n'en a pas du tout.

- Combien de secrets tu m'échanges ? Si tu veux utiliser mes yeux, ce n'est pas très compliqué. Je veux tout savoir sur toi.

On oublie souvent le côté pratique d'une cible consentante. Ça évite beaucoup d'efforts.

En échange de sa vie. C'est bizarre, dit comme ça, mais au fond c'est un peu l'idée. J'achète son passé et son présent pour ajouter à ma collection personnelle.

- Une décennie, ça vaut bien des centaines de caméras.

Parce que s'il fait joujou avec mes caméras de l'école, il a sûrement aussi celles de Londres. Et il a parlé de l'université tout à l'heure - évidemment que j'ai installé les miennes là-bas, vous croyez que j'ai fait quoi le jour où elle a ouvert ?
J'aime bien son idée. J'aime bien son jeu. Ça correspond trop à ma personnalité pour ne pas me plaire. D'un coup, l'idée qu'il utilise mes caméras est devenue secondaire. C'est la curiosité qui passe avant tout, qui parle en premier, et qui l'emporte.

- Ça me va.

Heureusement pour lui, je ne suis pas du genre à faire du chantage. Mes informations deviennent au mieux des rumeurs, au pire des petits bijoux dans un coin de ma tête, rangés dans un coffre-fort. Je suis une collectionneuse, pas une contrebandière. Et même si j'aime bien faire croire des choses aux gens, tout ce que je sais ne finit pas par ressortir. Sinon les gens auraient du souci à se faire.