Untill we meet again

Nous étions en janvier. En gros, cela faisait plusieurs mois que j’étais arrivée dans cette école, mais je n’avais toujours pas trouvé le moyen de me trouver des personnes me connaissant d’avant (comme quoi, le monde n’est pas si petit que ça), ni de me faire des camarades appréciables. Etais-je tombée exclusivement sur les mauvaises personnes ? Ou était-ce mon approche qui était mauvaise ? Peut-être les deux, je ne pouvais pas vraiment le nier. J’avais donc décider d’arrêter de parler de moi et mon amnésie, préférant me concentrer sur le présent, dont mes études. Ces dernières ne m’avaient d’ailleurs pas plus donné d’indices que cette école. Pas pour le moment, en tous les cas, même si certains textes ne m’étaient pas totalement inconnus. J’avais l’impression d’avoir déjà lu des passages ou entendu les titres sans savoir où exactement.

La journée avait été très calme. Tant et si bien que, comme j’avais terminé mes devoirs pour la semaine, au moins, il me restait pas mal de temps libre. Plusieurs choix s’offraient à moi : aller dans un de mes trois clubs dans lesquels je me débrouillais plus ou moins bien selon le sujet, passer à la bibliothèque pour trouver un livre susceptible de me plaire, écrire un courrier pour ma famille d’accueil (sachant que je comptais les appeler le soir-même, ou travailler mes leçons. Autant dire que la dernière option ne m’enchantait pas puisque je venais de travailler plus de quatre heures sans pause. C’est d’ailleurs pourquoi je marchais un peu dans la cours sans réel autre but que prendre l’air, bien emmitouflée dans mon manteau et mon écharpe joliment colorée. C’est ainsi que, en arrivant devant les dortoirs, je vis une affiche très agréable et visible. Elle annonçait une petite fête dans la salle de danse du campus. L’idée de me détendre ainsi me plut bien plus que toutes les autres options que j’avais en tête. Alors, comme en plus ma bonne étoile avait fait tomber le indiqué jour pile à ce moment-là, je montai rapidement dans ma chambre et pris une bonne douche avant de me préparer un peu. J’avais emmenée avec moi ladite affiche sans penser que quelqu’un aurait pu la voir, afin d’avoir toutes les informations dont j’avais besoin sans avoir à descendre les étages. Comme cela commençait en fin d’après-midi, j’eus tout mon temps pour choisir mes habits, ma coiffure et le reste. Ainsi, je me vêtie d’une jupe m’arrivant aux genoux blanche accompagnée d’un pull bleu nuit pailleté aux manches mi-longues. Un ensemble bien plus chaud que les robes que je possédais. Au-dessus de mes collants bruns, je mis des bottes noires à talons de 5 cm compensés. Pour marcher dans la neige, cela me paraissait préférable, même si moins adapté que des chaussures plates. Avec mon écharpe et mon manteau, cela me parut suffisant pour affronter le froid extérieur, et assez confortable pour rester dans la salle de danse. Dans mes cheveux que je séchai de sorte qu’ils forment de jolies ondulations, je mis des barrettes à chaque côté de ma tête pour les tenir. Simple mais élégant. Enfin, je mis du gloss rose et une légère touche de crayon accompagné de mascara pour habiller mon regard vert.

Lorsque tout cela fut fait, comme il me restait pas mal de temps encore, je pris un livre et m’installai sur mon bureau pour le lire. C’était une de mes lectures obligatoires, mais j’adorais le thème proposé et le style de l’auteur, ce qui rendait à mes yeux l’histoire contée vraiment palpitante même si terriblement ordinaire. Zola était vraiment un écrivain d’exception à mes yeux.

Puis, lorsque vint l’heure, je le fermai en gardant ma page grâce à une jolie carte postale. Je pris alors un sac aussi bleu que mon haut avec une chaînette dorée pour le porter à l’épaule. A l’intérieur s’y trouvait mon portable et quelques autres affaires plus ou moins dispensables mais qui pouvaient toujours servir. Enfin, je mis mon manteau et mon écharpe pour rejoindre la salle de danse, espérant qu’il n’y ait pas trop de monde pour que je puisse rencontrer ou voir quelques personnes.

Dieu (auquel je ne croyais que moyennement) avait dû entendre ma prière silencieuse puisque seulement trois ou quatres personnes se trouvaient là, dont l’organisateur/organisatrice de l’événement. A savoir de qui il s’agissait par contre… Avant de m’avancer dans la salle, je posai mon manteau à l’entrée avec mon sac et me mis à observer un peu. La musique pas trop forte donnait l’ambiance agrémentée par ce que je pensais être un apéritif très simple. Plus loin dans la pièce se trouvait quelques tables et chaises avec des jeux de société. Cela se voyait qu’on avait mis du coeur à la tâche en espérant que les personnes viennent. Quel était le thème de la fête déjà ? Je n’arrivai pas trop à m’en souvenir alors que je m’avançai pour me servir un verre d’Ice Tea. Le Coca, très peu pour moi contrairement à beaucoup d’après les verres restés sur la table. Sirotant mon breuvage, je jetai un oeil aux personnes présentes. Personne de ma connaissance, malheureusement… Comment les aborder ?

Continuant à observer l’ensemble de l’événement en cherchant un “plan d’action”, j’entamai mon verre d’Ice Tea. Ce dernier n’avait rien de spécial à vrai dire. C’est même certainement la raison pour laquelle je n’y prêtai pas grand attention. De cette façon, je pus pleinement regarder les autres jouer à des jeux de société dans la joie et la bonne humeur. Ils ressemblaient un peu à une bande d’amis qui se retrouvaient. Et si cela était bien le cas, j’étais l’étrangère qui venait s’inviter, telle une squatteuse en manque de rumeurs à faire sortir de la salle. Cela aurait pu être le cas mais, heureusement, ce n’était pas vraiment mon genre. Non, à vrai dire, je préférais nettement me dire que je me faisais des idées. Cela devint même une presque certitude lorsque je vis une jeune femme s’avancer vers moi.

Nous avions à peu près la même taille et la même corpulence, à quelques détails près que je ne saurais expliquer à vue de nez. Peut-être avions-nous le même âge du coup ? A moins que je n’ai cessé de grandir à un moment donné… Je ne cherchai pas à répondre à ce genre de questions, l’observant alors que ses yeux bleus étaient fixés sur un point proche de moi, si je ne l’étais pas. A vrai dire, j’avais l’impression que nous étions deux sosies qui n’avaient pour seules réelles différences la couleurs de nos cheveux et nos yeux. Son blond était bien trop clair pour être naturel et ses yeux étaient d’un bleu magnifique. Le vert des miens n’arrivait pas à la cheville de ma couleur préférée, il n’y avait aucun doute.

Finalement, il ne fallut pas moins d’une trentaine de seconde pour que je sois rejointe, comme je l’avais devinée. Et, comme si mon instinct ne me trompait jamais (ce qui n’était pas le cas malheureusement, mais passon), c’était bel et bien pour moi et non le buffet qu’elle était venue. Lorsqu’elle me salua, je compris aisément que, comme moi dans mes débuts, elle n’était pas japonaise. Néanmoins, elle faisait l’effort de me parler cette langue avec plus ou moins d’aisance, ce qui me fit sourire chaleureusement. Voulais-je l’encourager ? Je n’en étais pas tout à fait sûre moi-même, mais si cela pouvait me montrer agréable à ses yeux, je n’étais pas contre. Ainsi, je l’écoutai se présenter avant de lui répondre amicalement en japonais :

- Bonjour Isabella. Je m’appelle Yolaine. Enchantée de faire ta connaissance. Est-ce toi qui a organisé cette petite réception ?

Pour éviter toute confusion, je ne fis pas de compliment tout de suite. Mieux valait structurer mes pensées selon mon interlocuteur. D’ailleurs, le prénom de la personne à mes côtés attisa quelque peu ma curiosité. N’était-ce pas européen ? Je n’en étais pas sûre mais presque. Pas français non plus à l’origine d’après mes recherches internet lorsque j’avais commencé à chercher activement qui j’étais. Mais, là encore, avec la mondialisation et tout ce joyeux bordel, je ne pouvais pas me montrer catégorique sur ce genre d’informations… Peut-être devrais-je lui poser la question plus tard ? Cela serait selon les suites de la conversation, sans doute. En attendant, je repris une gorgée de ma boisson, me montrant aussi polie et avenante que je savais le faire.

Aussi avenante que lorsqu’elle vint me trouver, Isabella me répondit à l’affirmative. Cette fête était donc bien d’elle, ce qui me conforta dans l’idée de la complimenter. Je fus néanmoins bien moins enjouée lorsqu’elle m’expliqua que c’était pour dire adieu à ceux qu’elle connaissait parce qu’elle partait bientôt. Déjà, je me sentis presque de trop étant donné que je ne la connaissais pas, ou même les autres invités. Pourtant, je voyais bien que j’étais traitée avec plus de considération que cela, pas comme une squatteuse qu’on voulait voir partir. Je tentai donc de me ressaisir, de ne pas me concentrer sur la tristesse que m’évoquait son départ alors que nous venions de nous rencontrer, et souris. Ainsi, je pus la féliciter avec autant d’entrain que je l’avais souhaité malgré le pincement au coeur que je ressentais malgré moi :

- Je trouve que c’est très réussis. Tu as tout fait toute seule ou tu as été aidée ?

En regardant à nouveau autour de moi, je pus voir quelques détails de la pièce qui auraient pu rester inaperçus, comme des dégradations dont cette fête n’était pas la cause, et des personnes discutant activement entre eux. Je doutais pouvoir me joindre à leur joyeux petit groupe maintenant que je savais qu’ils étaient amis depuis quelques temps. Puis… ils semblaient tous plus jeunes que moi, ce qui n’était pas forcément très simple pour moi. Etait-ce une erreur pour moi de vouloir me détacher de mon passé perdu ? C’était un doute qui n’était pas encore prêt à me lâcher. Pas sans avoir obtenue une vraie réponse qui ne venait malheureusement pas. D’autant plus que j’avais l’impression de trahir ceux qui me soutenaient et cherchaient ma famille à l’international pendant que j’étudiais au Japon.

Revenant à la jeune femme à mes côtés pour écouter sa réponse et possibles commentaires, voire interrogations, je l’observai un peu. Il semblait qu’elle pensait à son départ, ce qui était normal, et que ce dernier l’atristait un peu. Certainement avait-elle passé un bon séjour parmi nous. Ou alors elle regrettait de ne pas avoir de solution pour garder le contact avec ses amis malgré les moyens que le monde moderne offrait ? Qu’en savais-je ?

Me détachant de ces interrogations qui ne me regardait pas vraiment, pas encore en tous les cas, je décidai de poser une nouvelle question après avoir répondu aux siennes :

- Tu n’es pas obligée de répondre, mais tu viens d’où ?

Secrètement, j’espérais réellement qu’elle soit européenne. Avec un peu de chance elle pourrait être un précieux allié pour me diriger vers mon passé. Quoique je ne savais pas trop non plus comment aborder ce sujet maintenant qu’on m’avait pas mal rit au nez. Cette tactique n’était visiblement pas la bonne. Je décidai donc de garder pour moi mon amnésie ou, plus exactement, que je cherchais mes origines réelles. Le fait que je ne sache pas qui j’étais n’était pas un secret que je voulais garder, au fond. Juste… je souhaitais éviter de mettre mal à l’aise les autres avec ma détresse… ou qu’on s’en moque.

Je ne fus que plus impressionnée en apprenant que la demoiselle avait préparé cela toute seule. D’ailleurs, il était sans doute dommage qu’il n’y ait pas plus de monde à cette fête. Bon, le thème ne plaisait peut-être pas, mais cela aurait été sympa pour Isabella et les efforts mis dans les préparatifs. Surtout qu’elle allait s’en aller. C’était donc la dernière fois que nous la verrions. Je fis une moue à cette idée, une pointe de tristesse naissant dans mon coeur. Première personne à qui je parlais réellement, il fallait que ce soit une personne qui s’en aille.

Néanmoins, je ne laissai pas ce sentiment négatif dicter ma conduite et préférai continuer de sourire à la jeune femme. Il en fut de même pour la conversation que je ne laissai pas retomber. Le silence n’aurait pas été de bon augure dans la situation que nous vivions. Et il me parut qu’elle pensait la même chose puisque sa réponse ne se fit pas attendre. Loin de se montrer timide, mal à l’aise ou autres, elle me fit part qu’elle venait d’Angleterre. Elle m’expliqua également qu’elle avait voyagé un peu avant de venir au Japon, dont une fois avant qui se trouvait plus éloigné que d’habitude de son pays natal. Je l’enviais un peu de connaître ses origines, mais je ne fis pas part de ce sentiment qui n’avait pas lieu d’être. Ce n’était pas sa faute et elle n’avait pas besoin que je pique une crise.

- Tu as dû découvrir pas mal de choses avec tout ça. Je t’envie un peu, répondis-je avec légèreté, toujours souriante.

- Et toi ? Je me trompe peut-être, mais tu n'as pas l'air japonaise.

Sa question était aussi légitime que douloureuse. Je portai donc une main à mon bras et me mis à regarder dans le vide quelques secondes. Lui cacher la vérité ne m’aurait absolument rien apporté, je le savais et l’idée me parut débile. Mais je manquais un peu de courage. Néanmoins, je pris une inspiration pour ne pas me laisser vraiment d’autres choix que de répondre :

- Eh bien… Je ne sais pas d’où je viens. Depuis qu’on m’a retrouvée amnésique et sans papiers, je vis chez une famille d’accueil japonaise. J’espérais qu’en m’inscrivant ici, et en étudiant le français qui est la langue que je maîtrise le mieux, je pourrais trouver des indices sur moi-même. Mais je n’ai rien appris pour le moment.

Mes yeux brillaient légèrement et je sentais ma gorge se serrer. Néanmoins, je me retins de me laisser aller. Peut-être plus tard, dans ma chambre, mais pas maintenant, pas à la fête, pas avec Isabella. Mais il fallait être honnête : voir que mes investigations restaient vaines me laissaient une sale impression d’être abandonnée. Je ne savais pas trop quoi faire d’autre.

*Non ! Il faut que je garde courage !*

Je continuai donc de discuter avec Isabella jusqu’à la fin de la soirée. Nous n’avions pas vu le temps passer, au point que nous n’avions que très peu participé aux activités proposées. Enfin… Cela ne me dérangeait pas, fallait l’avouer. Puis, je l’appréciais grandement cette petit bout de femme. Ce fut même un surveillant qui vint nous rappeler à l’ordre, ce qui m’avait un peu amusée. Sérieusement, le pauvre avait même dû mettre la main à la patte pour ranger plus rapidement et qu’on ne dépasse pas le couvre-feu. Personnellement, j’en avais bien ri. Et avant de quitter la jeune femme, je lui donnai mon adresse mail pour qu’elle puisse me contacter si elle le souhaitait.

Ce ne fut qu’une fois seule que je laissai des sentiments plus négatifs m’envahir. Pas trop, mais assez pour que je perde mon sourire jusqu’à ce que je m’endorme. Elle était possiblement ma première amie, et nous nous reverrions peut-être jamais...