À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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J'acquiesce lors de sa réponse sur le pourquoi du comment il n’a pas continué le piano, c’était dommage mais il y a des priorités à tout et un enfant est une priorité très importante. Je ne doutais d’ailleurs pas qu’il devait très bien s’en occuper cependant il y a une chose qui me trottait dans la tête. Même la première fois où je l’avais vu il était seul malgré son alliance que j’avais bien sûr vue et sa fille Janna. Alors pourquoi ne pas en parler? Bien que je dois avouer que bizarrement j’étais un peu jalouse de sa femme… Putain mais faut vraiment que j’arrête! C’est peut être pour cela que j’avais peur de parler de ça? Fort probable et Dieu que ça me prenait la tête! J’entendis ensuite son briquet et sentis l’odeur de sa cigarette. Elle était liée à la mienne mais avait une odeur plus forte, je ne connaissais pas toutes les odeurs de clopes mais celle -ci m’était inconnue enfin bref, il me demanda ce que je faisais au conservatoire, si je donnais des cours. Je souris en tapotant ma clope sur le rebord du cendrier pour laisser la cendre tomber dans celui-ci.
«Je donne des cours oui, une fois par semaine, ce sont des cours particuliers, je n’ai qu’un élève à la fois. Étant malvoyante j’ai du mal à gérer plusieurs personnes à la fois bien qu’ils soient assez matures c’est un peu dur de me focaliser sur eux. Tu comprends ce que je veux dire? C’est pas très clair désolée..» Je bois le reste de mon cappuccino et tire une énième taffe sur ma cigarette. «Dis, j’ai une question très intrusive à te poser et tu n’es pas obligé d’y répondre évidemment… Mais pourquoi je ne t’ai jamais vu avec ta femme? Enfin… Je veux dire ça ne fait que la seconde fois qu’on se voit mais travaille-t-elle trop pour t’accompagner dans ce genre de sorties?»
Elle répondit qu’elle donnait effectivement des cours, une fois par semaine.
- Ce sont des cours particuliers, je n’ai qu’un élève à la fois,précisa-t-elle.
Elle expliqua qu’étant malvoyante, elle peinait à gérer plusieurs personnes à la fois, bien qu’elles fussent assez matures. C’était déjà un peu difficile pour elle de se focaliser sur un seul musicien.
- Tu comprends ce que je veux dire ?demanda-t-elle soudain indécise.C’est pas très clair, désolée.
Si, ça l’était parfaitement, et je ne manquai pas de le lui signaler. Un silence s’installa, le temps que la demoiselle termine son cappuccino et apprécie sa cigarette.
- Dis, j’ai une question très intrusive à te poser.
Instinctivement, je me tendis.
- Tu n’es pas obligé d’y répondre, évidemment. Mais pourquoi je ne t’ai jamais vu avec ta femme ?
Une pierre me tomba dans l’estomac. Une grosse pierre… et je faillis lâcher ma cigarette.
- Enfin… je veux dire, ça ne fait que la seconde fois qu’on se voit mais travaille-t-elle trop pour t’accompagner dans ce genre de sortie ?
Je devais m’y attendre. Comme elle le disait, cela faisait deux fois que nous nous croisions sans que je sois accompagné. Peut-être se disait-elle que ce n’était qu’un hasard, les circonstances laissant à penser que mon épouse devait être occupée ailleurs ou que sais-je encore. Ou alors, elle s’en fichait et voulait juste satisfaire sa curiosité… Bordel, que ça prenait la tête !
« Je confirme, c’est soûlant. »
Ben casse-toi si t’es pas content !
« Eh oh, ça va hein ! »
Et il partit bouder. Bon débarras… Dans ma réflexion, je triturais mon alliance avec une pointe de stress dans le mouvement, ma cigarette fumante calée entre deux doigts et qui se consumait toute seule. Je la tapotai au-dessus du cendrier pour en faire tomber la cendre.
- E… Elle est très occupée, elle est infirmière aussi.
Et merde… Mais pourquoi ? Pourquoi ne pouvais-je pas simplement dire la vérité ?
« Parce que t’es encore coincé dans le passé, je te l’ai dit. »
Il ne boudait jamais très longtemps celui-là… Je pris une bouffée de tabac pour me ressaisir.
- On a passé notre diplôme ensemble à l’hôpital.
Je ne me sentais pas très bien là.
- Et euh… j’ai décidé de travailler à Indarë pour alléger mes heures, pour pouvoir gérer Janna.
Ce n’était pas tout à fait faux, en soi.
- Faire des heures en pagaille à l’hôpital pour tous les deux, ce n’était plus possible,poursuivis-je dans mon mensonge.
Pour moi-même, aurais-je dû dire. Qu’étais-je en train d’inventer là ? Mary était partie, je ne pouvais pas la ramener. Personne ne le pouvait. En plus, ce que je disais n’avait aucun sens. D’habitude, c’était la mère qui travaillait moins pour s’occuper de l’enfant, pas le père… Je venais de me mettre dans un sacré pétrin. Tout ça parce que j’étais incapable de faire mon deuil.
Je n’étais vraiment pas sûre que cette question soit la bienvenue en voyant le sorte d’arrêt sur image que Meyer fit. Mais pourtant il me dit qu’elle était infirmière aussi et assez occupée. J’étouffai un soupir. Bizarrement j’aurais espéré qu’il soit divorcé bien qu’il ait gardé son alliance. Je garde ma clope au dessus du cendrier, c’était à mon tour de beuguer. Pourquoi pensais-je à ça? Avais-je tant envie de passer du temps avec lui en espérant qu’il n’ait pas de femme dans sa vie? J’aspirais sur ma clope une longue taffe, bien plus longue que les autres, je faillis même m’étouffer mais je le cachais. Serais-je? … Non… C’est vraiment ça? NON! Je suis dans la merde si c’est ça, pourquoi devais-je tomber amoureuse d’un homme marié? Un homme avec qui je ne pourrais jamais rien partager? De l’amitié oui, mais je serais toujours jalouse… Peut être devrais-je couper les ponts maintenant? Histoire de ne pas souffrir? Peut être… Non j’avais envie de garder contact avec lui parce qu’il était gentil et que… Je pouvais très bien trouver quelqu’un d’autre, j’étais jeune je trouverai bien quelqu’un d’autre? Je repris contenance un peu difficilement mais essayais de ne pas montrer que cela me dérangeait si nous devions rester de simple amis et… Qui sait peut être ne voudrait-il même pas d’une amitié avec moi? C’était bien la première fois que je me sentais si mal comme ça. “L’amour c’est beau” Mouais bref, je pris la parole pour essayer d’oublier ça.
«Oh c’est bien que tu sois devenu infirmier à Indarë dans ce cas, habituellement c’est l’inverse, ça fait bizarre» Rire de façade… C’était bien l’une des premières fois où j’étais vraiment triste… «Oui tu as raison ce n’est pas une vie pour une enfant, si je puis dire.» Je touchai ma montre, il fallait que je rentre pour… Pourquoi au juste? Je n’avais strictement rien à faire… «Je… Je dois y aller ma pianiste vient manger à la maison ce soir et je dois cuisiner. J’aimerais beaucoup vous voir tous les trois quand ta femme aura du temps.» Je souris et sortis mon portable ,pour lui tendre histoire qu’il inscrive son numéro dedans. «Tiens… Si ça ne te dérange pas bien sûr..» Sur ses mots j’attendis qu’il l’inscrive et le récupérais en souriant. «À bientôt Meyer!» Je posais l’argent sur la table et partis en dépliant ma canne.
- Oh, c’est bien que tu sois devenu infirmier à Indarë dans ce cas,déclara Freja.Habituellement, c’est l’inverse, ça fait bizarre,ajouta-t-elle en riant, en écho à mes précédentes pensées.
Elle poursuivit en me rejoignant sur le fait qu’avoir des parents qui travaillaient trop et ne demeuraient pas présents n’était pas une vie pour une enfant. En était-ce une sans une mère ? Je savais très bien que Janna n’était pas la seule petite fille au monde à avoir perdu sa mère, que ça n’empêchait pas de continuer à vivre. Mais c’était si dur…
- … dois y aller, ma pianiste vient manger à la maison ce soir et je dois cuisiner.
Je reportai mon attention sur la jeune femme qui commençait à s’agiter.
- J’aimerais beaucoup vous voir tous les trois quand ta femme aura du temps.
Je ne pus répondre qu’un « Oui… » incertain, la regardai sortir son téléphone portable et me le tendre. Elle me demanda d’y enregistrer mon numéro, si ça ne me dérangeait pas. Oui et non. Oui parce que je ne savais plus où j’en étais. Je ne savais plus si j’avais envie de me rapprocher de Freja ou si je voulais couper tout contact maintenant pour ne pas en souffrir plus tard. Et non parce que… c’était surtout pour ne pas la décevoir, et parce qu’au fond, je ne me voyais pas refuser alors que sa demande n’avait rien d’ambigu. Alors, je pris le téléphone et enregistrai mon numéro. Puis je le lui rendis. Elle m’accorda un joli sourire avant de se lever.
- A bientôt, Meyer ! - A bientôt,répondis-je avec moins d’enthousiasme que je l’aurais voulu.
Elle déposa l’argent pour payer sa boisson et s’en alla en dépliant sa canne. Je me levai à mon tour, écrasant le reste de ma cigarette dans le cendrier, payai également mon café. J’aurais préféré que Freja me laisse régler la note complète. Après tout, je l’avais invitée, à la base. En retournant au conservatoire, je me sentais complètement perdu. Je ne savais plus quoi penser de tout ça, Freja, Mary, mon état de santé mentale. Je ne parvenais pas à réfléchir correctement. Je ressentais plein de choses contradictoires et ça m’énervait. Je dus très vite changer de façade en allant récupérer Janna. Il ne fallait pas qu’elle me voit perturbé. J’avais toujours l’impression de jouer un double jeu entre le moment où elle était avec moi ou non. Et j’étais en train de faire la même chose avec Freja.
The Wiesel Den 
