À droite, l'école et ses élèves normaux, comme tout le monde.À gauche, le centre de redressement pour jeunes dangereux.Maintenant réunis, pour le pire.
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Ça fait combien de temps qu’on est là ? Dix minutes ? Dommage car ce voyage commence déjà à me lasser. Les mouvements périodiques de ce wagon étriqué m’obnubilait comme il me fatiguait à la fois. Il faut dire que c’était la seule activité qui m’était offerte : compter les arrêts, les passagers qui rentraient, qui sortaient, qui discutaient ou qui manipulaient leur téléphone comme-ci il le redécouvrait à chaque trajet. Malgré leur désintérêt apparent pour ce qui les entouraient, je continuais de les détailler un à un, peut-être dans l’espoir inconscient que l’un d’entre eux me surprennent. Lorsque je les observais ainsi, j’avais cette impression de regarder un spectacle qui n’avait lieu qu’à travers mes yeux, tel une œuvre contemporaine manquant cruellement de fond, en d’autres termes, c’était fade et ennuyeux. Seule la musique dispensée par mes écouteurs qui m’hurlaient dans les oreilles depuis un moment maintenant, parvenait à faire de cette scène quelque chose de plus ou moins intéressant.
Le train se figea puis sonna de nouveau pour annoncer l’arrivée d’une nouvelle vague, un bruit mécanique nous signala l’ouverture des portes qui laissèrent aussitôt déferler cette marée humaine. Dans cette cohue, bon nombre d’usager se bousculaient violemment, lâchant par moment deux trois grossièretés pour exprimer leur colère et leur frustration. Je jeta ensuite un rapide coup d’œil sur la droite pour voir ma voisine qui restait tranquillement assise sur son siège, nous n’étions donc pas encore arrivés. Je retenu un soupir puis appuya ma tempe gauche sur la vitre du métro qui sonna de nouveau, signalant cette fois si son départ. La simple idée de ce voyage ne m’emballait déjà pas trop et la situation actuelle me conforté dans l’idée que ce n’était pas uniquement dû à de la mauvaise foi. Non pas que je n’étais pas satisfait de sortir un peu de cette « prison scolaire » mais le règlement établit à l’occasion de cette sortie n’était pas vraiment dans mes convenances. D’autant plus qu’il était très clair, je ne devais pas lâcher ma binôme sans quoi j’allais passer un très mauvais moment. Mais quelle idée de faire un voyage en binôme ? Bien que ce concept me paraissait tout d’abord des plus absurdes, il faut avouer qu’il faisait tout de même sens. Peu d’IRS bénéficient de liberté en dehors des murs de l’établissement et cela pour des raisons qui ne sont plus à expliquer et il était donc normal que, lors d’une sortie scolaire, l’équipe pédagogique préférait éviter tout risque de perdre un élève potentiellement dangereux, quitte à s'approprier des techniques dont l'efficacité étaient encore à prouver. Cela ne m’empêchait cependant pas d’avoir de sérieux doute sur le bon fondement de leur démarche, ils avaient déjà du mal à me laisser travailler en duo alors me confier à une ISS toute la journée. Tiens, venons-en au fait que ce soit une ISS. Même si je conçois qu’il ne faisait parfois pas bon ménage de coupler des IRS ensemble, l’était-ce davantage avec une ISS ? Ils n’avaient pas peur de lui faire prendre des risques inutilement ?
Enfin qu’importe, à présent on allait devoir passer la journée ensemble elle et moi et je n’avais honnêtement aucune raison de me plaindre, elle avait l’air plutôt calme et je crois même ne pas avoir entendu le son de sa voix depuis notre départ. Je suppose que la situation ne l’enchantait pas vraiment non plus. Je détourna alors le regard vers le bout de plexiglas qui ne m’offrait pas un panorama des plus fabuleux : simplement d’interminables murs gris faiblement éclairés mais qu’aurai-je pu attendre de plus d’une vue donnant sur un réseau souterrain ? Probablement à cause du peu de stimulation visuelle qu’envoyer ce paysage à mon cerveau, je commençais à me perdre dans des réflexions inachevés tout en focalisant le reste de mon attention sur la musique qui tournait presque inutilement jusqu’à présent. Grossière erreur car c’est en se laissant aller de cette façon qu’on perdait la notion de ce qui nous entourent. Si on cumule ça à ma fatigue continuellement sous-jacente, le résultat en devient plus qu’évident. N’empêche que je n’aurais jamais cru qu’il était si facile de s’endormir dans un métro.
J'aime pas le système de sortie scolaire de cette école. Enfin, on sort en gros groupes comme dans toutes les écoles, c'est pas le problème – d'ailleurs les autres passagers du métro qui doivent abandonner deux wagons à des classes plus ou moins surexcitées doivent péter un câble un peu – mais c'est surtout que généralement ils laissent pas les classes de l'IRS sortir toutes seules. Et que quand ils font des sorties avec l'IRS et l'ISS, histoire d'être sûrs, ils attribuent à tous ceux de mon école un binôme dans l'autre au cas où il arriverait un truc. Donc voilà, je me retrouve à devoir garder un œil sur un type "juste au cas où", et j'espère très franchement que c'est pas le genre psychopathe parce que vu la bousculade qu'il y a à chaque fois que quelqu'un entre dans ce métro, il aurait peut-être déjà tué quelqu'un. En fait je crois que les psychopathes participent pas aux sorties scolaires. J'en sais rien. Ils ont tous l'air normaux, vu d'ici.
Enfin pour l'instant, il a juste l'air d'un lycéen qui écoute de la musique parce que le trajet en métro le fait chier, soit environ 99% de la population lycéenne du monde. Sauf moi, parce que j'ai pété mes écouteurs et que je suis coincées sans musique à entendre les conversations des gens. Comment c'est pas juste que la prof lui ait mis 40 alors qu'elle avait bossé à mort la veille – si quand tu travailles t'as pas la moyenne, faut revoir tes techniques de révision –, comment son patron est un connard parce qu'il lui hurle dessus à longueur de journée – change de taf -, comment machin ou truc est trop mignon et elle aimerait trop avoir un rencard avec, comment c'est long d'arriver à sa station de métro. J'approuve celui-là, tiens. C'est long, surtout quand t'as pas de musique, avec en plus la petite voix dans les hauts-parleurs qui grésille un "prochaine station" toutes les cinq minutes. J'ai déjà lu quatre fois les indications sur la porte – ne pas descendre avant l'arrêt complet, ne pas s'appuyer sur les portes, ne pas essayer de sortir pendant qu'elles se referment – et je commence à manquer d'occupation (et à regretter d'avoir aucun jeu sur ce portable débile qui se jouent sans connexion internet).
Enfin bon, de station en station et de conversation débile en conversation débile – et après avoir lu toutes les pubs sur les murs des stations, du métro, et les sms d'une fille qui s'est assise à côté de moi pendant trois stations – j'entends enfin le nom de celle où on est censés descendre. D'ailleurs tous les élèves d'Indarë, avec les profs, se précipitent dehors, dans une masse d'uniformes bleus et rouge. On croirait presque des rayures, à cause des binômes. Rouge-bleu-rouge-bleu. Bref. Je suis déjà debout quand je remarque que mon binôme pour la journée s'est endormi. Je pourrais le laisser là mais il y a deux choses qui m'en empêchent. Un : ça voudrait peut-être dire laisser un dangereux malade dans la nature (on sait jamais) ou un mec qui va profiter d'être seul pour se jeter sous le métro. Deux : je vais me faire incendier violemment si je dis que j'ai perdu le gars que j'étais censé surveiller. Pire : que je l'ai perdu volontairement. Bref, réveille-le.
Il me faut trois tentatives pour me rappeler qu'il a de la musique dans les oreilles, et du coup je décide de le secouer un peu. Allez, réveille-toi, la marée humaine d'Indarë est presque complètement sortie, les portes vont se fermer et... et je connais pas assez Londres pour m'y retrouver si on se perd au milieu de nulle part, bon sang ! Suffit que ce soit comme à New York et que la station pour faire demi-tour soit super loin. Ou même juste... juste que je sais pas où c'est, l'endroit où on va. Retrouver la station ça m'apportera rien.
Il se réveille. Et évidemment, comme dans toutes les journées de merde, il se réveille pile au moment où les portes se ferment. Je me précipite pour essayer d'appuyer sur le bouton d'ouverture automatique, mais avec la masse de gens devant moi, c'est trop tard, et quand j'appuie sur le bouton, la porte refuse de s'ouvrir. Génial. Me voilà coincée avec un parfait inconnu dans une ville que je connais pas encore super bien, qui plus est un inconnu potentiellement dangereux ou capable de se mettre en danger tout seul. En gros je suis en train de faire le boulot des surveillants à leur place. Au moins il est réveillé, c'est déjà ça.
- On a loupé la station. T'as le sommeil lourd.
Ouais on me dira que c'est pas le genre de remarque à faire à un gars dont tu connais pas le potentiel de violence mais franchement, j'ai pas la foi d'être diplomate, là.
J’émerge, lentement mais surement. Comment je peux avoir autant de mal à reprendre mes esprits alors que j’ai dormis 10 minutes tout au plus ? J’ouvre les yeux pour voir ma voisine violenter énergiquement le bouton d’ouverture des portes qui ne lui répond que par un refus. D’ailleurs, c’est elle qui venait de me secouer comme ça ? Elle s’est tournée vers moi, le visage marqué par une expression semblant mélanger colère et agacement, un peu comme le reste des passagers qui grognent encore, probablement mécontent d’être bousculés même à l’intérieur du train. J’attrape l’un de mes écouteurs pour le retirer de mon oreille, prêt à subir les assauts auditif de l'ISS mécontente mais contrairement à mes attentes, cette dernière m'aborda sur un ton, certes sec, mais relativement calme. Au moins elle n’est pas hystérique, la situation pourrait être pire.
- On a loupé la station. T'as le sommeil lourd.
Ah, c’est donc pour ça qu’elle est aussi tendue ? Je jette un œil autour de moi pour constater l’absence probante du reste de la classe qui était donc sortie un peu plutôt et qu’elle avait tenté de rattraper en vain. J’ai un peu de peine pour elle, déjà qu’elle est forcée de rester avec un IRS, il y a fallu en prime que je gâche sa sortie scolaire. C’est dommage, je vais être un fardeau pour elle aujourd’hui mais de toute façon elle ne peut plus faire autrement. Elle se tient toujours debout devant moi, attendant probablement une réaction de ma part que je ne peux décidément plus lui refuser.
« Je sais, j’aurais dû rester concentré mais ce voyage était d’un ennuie mortifiant. Au fond c’est pas plus mal, on a peut-être manqué la sortie la plus emmerdante jamais organisé par ce lycée. »
Ok, moi qui voulais la calmer, j’ai probablement fait pire que mieux. Plus important encore, on est deux lycéens pomés dans Londres. Sans oublier que, en plus d’être dans l’interdiction de rester seul avec l’un de mes camarades, je suis aussi strictement limité dans mes sorties qui doivent nécessairement être accompagné d’un ou d’une responsable et, évidemment, ce n'est plus le cas à présent. L’un comme l’autre, on va être violemment réprimandais à notre retour et ça, elle va probablement me le reprocher dans les minutes qui viennent. Je regarde le tableau lumineux au-dessus de la porte qui indique plus ou moins explicitement le trajet assuré par ce métro et inévitablement, il arrive au bout de sa course. De toute façon on va devoirs sortir mais où ? Ça c’est une question à laquelle je ne peux évidemment pas répondre puisque je ne connais pas du tout l’endroit et que de ce fait, le nom des stations ne m‘évoque strictement rien. J’espère qu’elle est plus avancée que moi sinon on va perdre un temps fou pour retrouver le chemin du lycée. D’ailleurs pourquoi retourner au lycée ? Je pousse un soupir et dévie le regard afin de lui faire comprendre que je suis au courant de l'absurdité d'une telle réflexion. D'autant plus que la situation nécessitait probablement plus de sérieux.
« Ils ne sont probablement pas très loin, les stations ne sont pas si écartées que ça. On peut toujours essayer de les rattraper, avec un peu de chance, on les aura retrouvés avant qu’ils ne réalisent que nous ne sommes plus là... Ou au moins avant qu'ils ne contactes le lycée. »
Le wagon sonne une dernière fois ce qui redynamise le reste des passagers qui s’apprêtent à s’extirper du "véhicule", les portes s’ouvrent presque aussitôt et la dernière vague évacue. Je me lève malgré mon état léthargique, déjà lassé de devoir me lançais dans une espèce de course d’orientation. Je passe à côté de ma camarade sans vraiment lui prêter attention bien qu’elle semble attendre patiemment que je sorte le premier.
« J’espère que tu connais le secteur et ses points stratégiques sinon on risque de se balader longtemps. »
Bon, au moins il a enlevé ses écouteurs. Cela dit je sais pas si c'est une bonne nouvelle vu que, du coup, il a totalement entendu ce que je lui ai dit. Heureusement que j'ai été polie à défaut d'avoir une voix aimable, mais je me crispe quand même un peu en attendant sa réaction. Suffit qu'il soit du genre violent ou hyper-susceptible et je vais pouvoir remettre en pratique mes cours d'auto-défense.
- Je sais, j’aurais dû rester concentré mais ce voyage était d’un ennuie mortifiant. Au fond c’est pas plus mal, on a peut-être manqué la sortie la plus emmerdante jamais organisé par ce lycée.
Oook, bon au moins je suis safe. Enfin je veux dire : il m'a pas gueulé dessus et il a l'air absolument zen. Tant mieux. S'il y a bien une chose qui ne me tente pas aujourd'hui, c'est de me retrouver avec un psychopathe sur les bras. Un mec zen, c'est très bien. Très très bien même. En plus, il a pas forcément tort. Je sais même pas vraiment quelle type de sortie c'était censé être, donc peut-être bien qu'on se serait fait monumentalement chier au final. Ou peut-être aussi que c'était un truc super intéressant et que je me suis fait niquer par le choix des binômes. C'est au choix.
- Concentré peut-être pas, mais réveillé ça aurait été un bon début. Enfin bon, tant pis.
Je suis pas du genre à faire des reproches : déjà ça sert à rien, et en plus ça énerve. Je veux dire, reprocher à quelqu'un une chose qu'il ne pourra de toute façon pas annuler ou corriger, c'est débile. Si je commence à l'engueuler parce qu'il a pas fait gaffe et qu'on a loupé la station, ça va pas le faire remonter le temps pour se réveiller au bon moment donc... à quoi bon ? Au moins, pour l'école, ça sera l'occasion de tester leur merveilleuse technique. C'est bien pour ça qu'ils nous mettent en binôme, non ? Au cas où quelqu'un se perdrait ? C'est marrant parce que, en me levant ce matin, j'aurais été prête à parier que ce serait moi qui me perdrait et forcerait mon binôme à me chercher partout pendant la sortie. Comme quoi.
- Ils ne sont probablement pas très loin, les stations ne sont pas si écartées que ça. On peut toujours essayer de les rattraper, avec un peu de chance, on les aura retrouvés avant qu’ils ne réalisent que nous ne sommes plus là... Ou au moins avant qu'ils ne contactes le lycée. - Clairement, on descend à la prochaine. On peut tenter de rejoindre la station d'avant à pied, peut-être qu'ils seront pas tous sortis.
Après tout, on est une soixantaine d'élèves, ça fait un bon troupeau à faire sortir d'une station de métro bondée, non ? Alors peut-être qu'en marchant vite... Généralement les métros vont en ligne droite, donc il suffira de marcher dans le sens inverse pour retrouver la station précédente. Ou pas, d'ailleurs. À Ottawa ça marche parce que les rues sont des grandes lignes droites mais à Londres ? Cette ville est remplie de tellement de rues tordues et de ruelles que le métro doit serpenter comme un malade là-dessous. J'en sais rien, tout ce que je sais c'est que je me perds, là-haut. Et que marcher tout droit pour suivre le métro risque d'être un plan foireux.
Bon, commençons par le commencement. On va d'abord sortir du métro en s'assurant que je ne perds pas mon binôme. Et ensuite, seulement ensuite, on cherchera une solution. La première chose que je fais une fois hors du métro est de me diriger vers un plan des lignes. Eh bah on est pas sortis. Déjà parce que la ligne fait cinquante détours, ensuite parce qu'il y a pas le nom de toutes les rues sur cette carte. Et je suis prête à parier que le GPS de mon téléphone est trop con pour connaître les stations de métro.
- Londres c'est trop galère quand on est habituée aux villes bien droites d'Amérique. Je connais quasiment rien...
Toutes ces rues qui se tordent dans tous les sens. Franchement, ça pourrait pas être universel de tout faire en ligne droite ? C'est quand même vachement plus simple.
- On va commencer par sortir de là, déjà. Peut-être que le GPS nous filera un coup de main.
Je regarde brièvement les usagers qui se déplacent avec fugacité dans la station, allant rigoureusement d’un point A à un point B et souvent le plus rapidement possible, prêt à batailler leur place dans le prochain métro. Je constate que binôme se dirige vers un plan où elle se place entre quelques couples de touristes pour chercher notre position. J’esquisse un sourire en voyant son regard vagabondait sur la multitude de flux, complètement dépité.
- "Londres c'est trop galère quand on est habituée aux villes bien droites d'Amérique. Je connais quasiment rien..."
Je lui jette un regard un peu surpris, « habituée aux villes bien droites d’Amérique » ? Au moins ça nous fait un point commun, pas très important ni même intéressant mais un point commun quand même. De plus, sa réflexion me conforte dans l’idée qu’il n’y a pas que moi qui vois cette multitude de détours comme un dédale dont l’utilité reste subjective.
- "On va commencer par sortir de là, déjà. Peut-être que le GPS nous filera un coup de main."
Elle a raison, inutile de rester là en pensant que la solution va nous tomber sur le coin de la gueule, d’autant plus qu’on n’a pas vraiment le temps d’attendre un miracle. J’attrape le bras de l’ISS et la tire jusqu’à l’extérieur de la station afin de ne pas la perdre à travers la foule. Le problème avec les sorties scolaires, c’est qu’elles ont toujours lieu durant les heures de pointes et même si je consens qu’il est difficile de faire autrement, c’est la meilleure solution pour perdre quelques élèves durant le trajet. J’admets cependant que cela allait peut-être tourner à notre avantage puisqu’il faudra bien une bonne quinzaine de minutes aux professeurs et accompagnants pour rattraper les élèves les plus turbulents et encore quelques minutes supplémentaires pour s’assurer que tout est bien en ordre avant de reprendre la route.
J’ai eu l’espoir que, une fois dehors, les choses soient plus simples que sur le plan mais il faut croire que j’ai eu tort d’avoir de telles espérances. J’observe consciencieusement les panneaux beaucoup trop nombreux à mon goût, les noms de rues qu’ils indiquent restent toujours aussi mystérieux voir obscure que lorsqu’ils étaient affichés dans la station. Je m’empare de mon téléphone, le déverrouille et lance l’application consacrée au repérage GPS. Bien qu’il charge déjà lentement, cela ne fait qu’empirer dès lors que, après quelques réglages, je lui demande de me tracer l’ensemble des voies de transport à proximité. Apparaissent alors des lignes multicolores à profusion, emmêler les unes dans les autres mais qui ont le mérite d’être relativement claire une fois qu’on zoom sur celles-ci. Satisfait du résultat obtenu, je prends une inspiration dans l’optique d’annoncer à ma binôme la bonne nouvelle met je fis interrompu par la fermeture soudaine de l’application. Je tente de la rouvrir à plusieurs reprises mais l’appareil ne me répond que d’un refus avant de me signaler le début d’une mise à jour sur cette dernière. Mon visage se crispe face à la cruauté de cette décision et j’observe silencieusement mon téléphone pendant encore quelques secondes. Je soupirs, l’enfonce de nouveau dans la poche de mon jean et me retourne comme-ci de rien n’était vers ma camarade.
« Il semblerait que le GPS soit notre dernière solution car j’ai l’impression que les panneaux ne vont pas nous êtres d’une grande aide. »
Je prie intérieurement pour quel ai n’importe quel téléphone pour le peu qu’il soit fonctionnel et que ce ne soit pas un IPhone, sinon on va être bon à ce coltiner tous les deux une interminable mise à jour, nous obligeant à recourir à Google map si la 4G accepte de se montrer plus clémente.
« Enfaîte, tu te rappelles du nom de la station ou l’on était censé descendre ? Ce sera probablement plus simple si l'on sait vraiment où l’on doit aller. »
Ça parait assez évident, que ce soit pour la reconnaître ou si on doit en venir à accoster des gens du coin, il faudra bien donner un nom plus concret que : « la station d’avant ». Mais je n’en doute pas, c’est le genre de choses auxquelles elle a dû faire attention, pas vrai ?
Ces villes européennes, c'est des vrais labyrinthes. C'est dingue, cette manie de poser des rues au hasard, quand même. C'est plus simple d'aligner des rues – moins original, peut-être, mais plus simple. Je me suis jamais autant perdue depuis que je suis arrivée à Londres. Je le vois sortir son portable alors j'attends en essayant de déchiffrer de panneau en panneau où peut bien se trouver l'endroit où on était censés arriver, mais rien n'est clair là-dedans. Déjà, j'ai regardé cent fois le nom de la station de métro sur le plan, tout n'est pas perdu.
Enfin peut-être. Je le vois galérer un bon moment sur son téléphone. Ça déconne tout le temps, les machines. Avec un soupir, je sors mon propre téléphone pour sortir mon gps personnel – aka Google Maps, parce que ça marche et que j'ai pas envie de payer pour une appli qui sera la même chose.
- Au fait, tu te rappelles du nom de la station ou l’on était censé descendre ? Ce sera probablement plus simple si l'on sait vraiment où l’on doit aller. - Oui, j'ai regardé sur le plan.
En fait, je me le suis surtout gravé dans le crâne parce que je n'avais rien de mieux à faire pendant le trajet que lire les pubs, écouter les gens, et regarder le nom de toutes les stations qu'on passerait pour savoir à laquelle on s'arrêterait. Je le rentre dans la recherche et j'attends que ça charge. Et c'est là que je suis contente d'avoir pris un forfait "high-speed" (et international), même si ça me coûte un bras à chaque fois, parce que j'ai une connexion internet d'enfer avec ce truc.
- Alors... c'est par là !
Je tends mon bras en direction d'une rue façon robot un peu bizarre puis je commence à marcher, évitant une fille un peu trop pressée qui me serait rentrée dedans. Ah les gens... Je crois qu'il n'y a pas une capitale pour rattraper l'autre. Dans toutes les grandes villes comme Londres ou Ottawa, il y aura toujours des gens pour te rentrer dedans parce qu'ils ont le nez collés à leur portable. Heureusement, moi je suis incapable de me concentrer sur une seule chose à la fois donc me perdre dans l'écran de mon portable, ça ne m'est encore jamais arrivé.
On tourne dans un rue, puis dans une autre, et là j'en suis au stade de prier pour que le gps ait le bon endroit. Ça m'est déjà arrivé de mettre un lieu et que le machin se plante et m'envoie à l'autre bout de la ville vers un lieu qui a presque, presque le même nom. Comme j'ai dit, c'est très con, les machines. Et pendant qu'on marche, que je suis le portable et que j'essaye de comprendre le dédale de toutes ces rues, j'essaye aussi de trouver un sujet de conversation, n'importe lequel mais de préférence intéressant, pour qu'on ne soit pas deux clampins en train de marcher en silence. Mais j'avoue que je sèche un peu.
Je veux dire, tout ce qui me vient c'est, dans l'ordre, la sortie scolaire, l'école, moi, vaguement lui (parce que je suis polie), le cinéma, et encore moi. Je suis beaucoup trop égocentrique, comme fille, en fait. Je devrais peut-être faire un tour à l'IRS pour me faire soigner.
- Bon, apparemment on est plus très loin. Il nous reste cinq minutes de marche... peut-être qu'on arrivera avant qu'ils se rendent compte qu'on a disparu ?
J'en doute mais bon, qu'est-ce que je peux dire de plus ? Lui expliquer qu'on va se faire engueuler sévère parce qu'il dormait ? C'est ça, et s'il est du genre colérique, c'est moi qui prendrait tous les risques. Non non, je vais laisser les profs se charger de ça.
The Wiesel Den 
![[2017] Comment ça c'était la station précédente ? Tbab](https://zupimages.net/up/21/15/tbab.png)
