Instabilité Constante [Rp solo]

J'étais de retour en Ecosse après quelques mois d'absence. Seule cette fois. Le souvenir de ce moment passé avec la femme que j'aime ne cessait de se rappeler à moi. 10 mois que j'étais venu tenter d'avouer mes sentiments à Naomi près du chalet de ma grand-mère. 10 mois qui m'avait vu oscillé entre le désespoir et l'exultation, le morne et le renversant, la tristesse et la joie, la douleur et le bonheur. Aujourd'hui j'étais de retour aux sources. Le lieu du non-dit mais sans elle. Je n'avais pas daigné visiter cette clairière si chère à mon cœur. Pas par peur de sentir la lame de la culpabilité entailler mon cœur. Non, je désirais simplement m'y rendre avec elle, je ne regrettais plus rien. Le temps avait soigné mes plaies et m'avait rendu plus forte. Les événements aussi. Je savais désormais que mon amour n'était plus à sens unique quoi qu'elle en dise. Ses lèvres mentaient ce matin-là lorsqu'elle m'avait dit que rien ne changerait alors que nous venions de passer une nuit plus vraie qu'elle ne voulait l'admettre,elle se cachait de ma vue,elle déclamait son discours en s'enroulant dans les draps mais ses mots ne me convainquaient pas - est-ce qu'ils la convainquaient elle en premier lieu?-. Je ne pouvais plus scruter sa peau mais ce qu'elle semblait ignorer c'est que je voyais bien au travers de tout ça.Je la voyais, elle, la vrai elle, celle qu'elle semblait vouloir protéger en l'enfouissant profondément. La suite n'avait fait que confirmer cette impression fugace, cette révélation salvatrice: nous avions emménagées ensemble, nous étions devenues plus proche l'une de l'autre,elle m'avait soutenu dans ma tentative fructueuse de briguer le  nous partagions l'intimité de l'autre sans jamais trouver l'autre de trop et puis elle avait quitté Jack. Du moins c'est ce que j'avais cru saisir même si elle avait toujours évité le sujet blondinet en ma présence. Je ne pouvais plus ignorer que j'étais dans le vrai. Laura et les autres étaient dans le vrai. Je n'avais cependant rien dit. Je dois avouer que mon départ en Ecosse pour quelques jours m'avait un peu attristé : je répugnais à la laisser seule depuis mon séjour douloureux et forcé à l'hôpital et ses conséquences mais j'avais pris mon courage à deux mains et je lui avais dis au revoir. J'avais séjourné quelques jours dans ma chambre, celle-là même où j'avais subi le plus gros traumatisme de mon existence sans même ressentir une pointe de tristesse. C'était dans une autre vie désormais. Un passé sur laquelle je ne reviendrais plus. Un passé qui marquait ma chair mais plus mon cœur. J'étais sereine envers l'avenir et en paix avec tout ça. Certes, peut-être pas totalement mais suffisamment pour opérer un grand ménage dans celle-ci. C'est ainsi que je m'étais saisi d'un sachet plastique avant de procéder à un grand tri : c'est ainsi que j'avais fini par jeter les milles et un souvenirs de ma vie d'antan cela même qui garnissaient ma chambre : les photos de John et moi avaient cédés leurs places à mes nombreuses photos avec Naomi, Laura, Gloria, Sam et les autres et les nombreuses peluches qui m'avaient offerte allèrent rejoindre le reste dans le sac avant de rejoindre l'oubli dans le grenier. C'est ainsi le cœur léger que j'avais pu rejouer avec ma petite sœur Sélène, enchantée de me revoir, profiter des rues de Bathgate avec Victoria et renouer un semblant de liens avec ma mère et mon père. La vie reprenait ses droits après l'orage et la tempête. Je redevenais leur fille. Quelques jours plus tard, nous avions rejoints la maison de ma grand-mère que je retrouvais avec un plaisir non dissimulée puis j'avais effectué la même opération : grand nettoyage et réhabilitation de ma chambre. Cette chambre que j'avais partagé avec Naomi l'espace de quelques jours. C'était le début de mon amour et jamais je n'aurais pu imaginé vivre avec celle-ci - en tout bien tout honneur certes - ou même reprendre le travail. C'est d'ailleurs dans cette chambre que je me trouvais, allongée sur le ventre dans mon débardeur blanc et mon mini-short en jean, jouant avec mes cheveux - ma nouvelle lubie depuis que ces derniers avaient repris une longueur convenable - rêvant de l'immensité des possibles. J'avais passé la matinée à jouer de la guitare et discuter avec ma cadette et je profitais désormais d'un peu de repos et de quiétude en laissant vagabonder mon esprit. Je m'imaginais être enlevée par ma princesse charmante dans sa voiture blanche pour aller vivre notre amour au grand jour. Des rêves classiques tranchant par leurs modernités mais le vrai fond restait le même que celui de toute petite fille. L'Amour. Je rêvais que cet instant où elle comprendrait ses sentiments viennent à arriver. J'espérais ne pas voir l'espoir où je désirais le voir naître. Je jetais un œil à mon téléphone : pas de messages. Mon cœur se serrait légèrement : la jeune fille gardienne de mes sentiments n'étaient pas très présente depuis hier et ilé tait difficile de chasser certaines craintes. C'est bête mais je savais Naomi loin de moi, à plusieurs centaines de kilomètres mais je voulais réellement qu'elle toque à cette porte, qu'elle soit là auprès de moi et si le destin se décidait à m'aider: qu'elle m'avoue sa flamme. Et là un bruit. Ai-je rêver? La voix de Victoria vient me rappeler à la réalité et m'assurer que je ne sois pas folle - perspective facile à envisager au vue de mes antécédents - en m'invectivant comme à son habitude.

-"Hey fainéante! tu es plus proche de la porte alors vas ouvrir!"

Je me levais lentement avant de franchir la porte et de descendre les escaliers en lui lançant quelques mots sur le ton de la plaisanterie.

-"Moi fainéante ? Je te supporte chaque jour c'est déjà suffisant comme boulot avec ton caractère de cochon ! Je t'ai déjà dis j'ai eu toute la délicatesse et la grâce pour nous deux!"

Si la principale intéressée avait été face à moi, j'aurais ponctuer ma phrase en tirant la langue comme le ferait une enfant mais le bruit proche du grognement qui provenait de la chambre de ma cadette me suffit à comprendre que j'avais fais mouche. Je n'avais de toute manière que peu de chance de me louper tant je savais que ce sujet était la bête noire de Victoria qui me ressemblait en de nombreux points sauf ces derniers. Manque qui agaçait profondément ma cadette et que nous nous amusions parfois à lui rappeler quand cette dernière se mettait en tête de nous envoyer sur les roses. je me détournais de cette conversation pour me concentrer pour ne pas chuter dans les escaliers peu pratique - surtout que je me baladais pieds nus - tout en m'interrogeant sur l'identité de l'individu derrière la porte. En effet, la maison de ma grand-mère est assez loin de la civilisation, pour ne pas dire en autarcie et elle ne recevait que les visites familiales de part ce fait or la famille entière était déjà rassemblé sous ce toit - enfin techniquement seul moi et Victoria car les autres membres étaient allés faire des courses dans la ville la plus proche -.Je doutais qu'il s'agisse d'un démarcheur de porte à porte sauf si faire un détour de 30 kilomètres semble une bonne affaire pour une maison unique. S'agissait-il d'un tueur en série venu m'enlever pour me violer puis me tuer dans les bois? Hmm non.. Seul Naomi pourrait avoir des idées aussi stupides. C'était sûrement un pauvre mec qui avait crevé sa roue pas loin d'ici et qui désirait utiliser le téléphone. J'ouvrais donc la porte lentement dans le doute que Naomi puisse avoir raison une fois dans ma tête mais je ne m'attendais pas à la voir elle justement. Hmm c'était donc elle la meurtrière? Risible et prévisible. Au moins je ne me ferais pas violer. Une fois mes premiers errements mentaux écartés, je compris. Je compris car mes poils se dressèrent sur mon bras et un frisson me parcourut alors que l'atmosphère semblait changer. Solennelle. Oui le moment était solennelle. Si Naomi avait été policière et que nous étions en Amérique, je me serais attendue à ce qu'elle m'annonce la mort de ma famille dans une fusillade ou un accident. Non, elle avait quelque chose à me dire et je savais pertinemment ce dont il était question. Pourquoi serait-elle venue sinon? Je ne m'autorisais cependant pas à y croire -après tout Naomi avait une logique bien à elle et il n'était si pas improbable que ça qu'elle soit venue juste pour me demander où j'avais pu mettre le sel - même si mon cœur ratait des battements de temps à autre alors que le silence commençait à peser. Elle fut la première à le briser, du moins en partie.

- Melody... Est-ce que...

Est-ce que quoi?J'avais envie de lui demander mais je sentais bien que je ne ferais que briser sa concentration, sa motivation et ce n'est pas après un an de dure labeur que je devais céder à l'impatience et je laissais donc la demoiselle exprimer ce qu'elle avait sur le cœur. Il ne lui fallut que quelque temps qui me semblèrent des éternités.

- Je voulais te montrer un truc. Tu peux venir avec moi deux minutes ?

Me montrer quelque chose? Décidément elle savait cultiver le mystère même si intérieurement je savais presque de quoi il s'agissait, du moins je l'espérais. L'envie d'en savoir plus se faisait de plus en plus forte et ce n'est pas la remarque acerbe de Victoria qui fusait dans l'escalier et auquel je prêtais peu d'intérêt qui allait entamer ce besoin. Je hoche de la tête avant d'enfin laisser sortir ma voix au grand jour abrégeant les attentes communes de la blondinette.

-"Attends moi une seconde, je te suis Nao'"

Je me tourne vers ma cadette et lui adresse un regard qui veut tout dire. Cette dernière accepte de garder les murs par un grommellement et j'entreprends dès lors de me chausser. Quelques secondes plus tard, mes Converses au pied et une petite veste en jean sur le dos pour affronter le froid ambiant, je m'aventure au dehors avec Naomi. Je la suis sans broncher sur quelques mètres en observant chaque petit indice  qui émerge de son comportement pour essayer d'y grappiller une information. Je la sens nerveuse et je n'ai jamais vraiment eu l'habitude de la voir dans cet état. je ne l'ai senti instinctivement nerveuse qu'une fois ce soir de Mai. Ce soir où je lui ai exposé mon point faible : mon faible pour elle. Est-ce un bien? Est-ce un mal? Je ne peux vraiment savoir. J'espère simplement ne pas prendre à nouveau un coup de poignard en plein cœur même si je doute que Naomi soit cruelle au point de venir jusqu'ici pour m'apporter le malheur. Jack, par exemple. Soudain un contact assez nouveau et pourtant si familier vient m'extirper ces pensées noires de la tête. Ses mains. Elle a saisi mes mains. Certes pas comme le font un couple mais elle a saisi mes doigts entre les siens. Mon cœur rate un battement puis un second, mes prunelles se dirigent vers le lieu du délit et mes joues rosissent. Je pourrais abréger tout ça en l'interrogeant sur ses intentions mais je n'en fais rien, trop choquée pour me questionner, trop émue pour parler, trop amoureuse pour protester. Rien dans son attitude ne me laisse entrevoir le mal. Je décide donc d'y voir une occasion positive et le discours de Naomi vient alors me donner encore plus de questions à moudre dans le gigantesque moulin de mon esprit.

- Tu peux... fermer les yeux ? C'est, disons, un cadeau de noël un peu en avance.

Je ne comprends pas. Je comprends chacun de ses mots bien sûr mais pas leurs sens. Je reste un instant sans réagir, alternant du regard entre ses mains et ses yeux avant de finalement percuté sa demande et m’exécuter. Le noir complet et le silence. Deux environnements que j'ai toujours haï. Deux environnements d'où naissent mes peurs et mes tares. Deux environnements qui revêtent en cet instant un sens nouveau, un habit différent, un habit lumineux aussi étrange cela puisse être. Je n'ai plus peur car cette chaleur me guide, la chaleur de ses doigts. Je ne suis plus seule dans les ténèbres : un autre cœur bat à l'unisson avec le mien. Je n'ai plus froid, nue dans le noir car des bras familiers et un corps est collé au mien au mien partageant avec moi sa chaleur. Je me sens complète. Comme cette nuit-là. Pourtant rien ne peut encore me laisser croire que mon hypothèse est la bonne. Ou peut-être que mon esprit ne désire pas voir l'évidence de peur d'être déçu? Je ne sais pas. Je sais juste que mon être, lui, ne s’embarrasse plus de tels considérations, prêt à chaque instant à sentir son souffle contre mon cou, entendre le bruit des branches sous ses pieds qui tentent de l'élever à ma hauteur et finalement ses lèvres sur les miennes. Ses bras autour de moi et juste le chant des oiseaux, le son du vent entre les arbres et nous. Rien qu'elle et moi. Je la sens cependant m'indiquer le chemin , coupant court à mon attente.

Je suis, tenant ma promesse de garder les yeux clos et seul le bruit de nos respirations et celui de nos pas vient perturber le calme plat de la zone. Même si je garde les yeux fermés, je reconnais évidemment le chemin que nous empruntons. C'est le même que dix mois auparavant, le même que lorsque j'avais voulu lui faire comprendre mes sentiments à son égard. Je ne peux me tromper. Je connais cette forêt comme ma poche au point même que je peux me situer, semble t-il, les yeux fermés. Mon cœur accélère. Ma respiration aussi . L'évidence est en train de se manifester à moi dans toute sa puissance mais je résiste contre celle-ci. Je ne peux y croire. Je ne veux pas y croire. Je n'y croirais pas. Quoi qu'il en soit. Tant que je n'aurais pas lu dans ses yeux. Tant que je ne l'aurais pas entendu. Je rêve. C'est impossible. Je ne peux pas vivre ça. Que viendrait-faire Naomi ici? Comment pourrait-elle se souvenir de mon serment de l'attendre ici? Ce serment que j'avais prononcé aux confins du désespoir, n'attendant plus que la foudre divine pour annihiler ma pitoyable existence. Ce serment embué de larmes et de drapé de douleur. Je manquais un instant de lâcher ses mains, de bafouer ma promesse et de frapper pour réaliser mais une énergie incommensurable m'en dissuada. Cette énergie c'était la présence de sa peau sur la mienne. Infime. Juste ses doigts qui venait prendre les miens entre eux comme un écrin, comme si mes doigts étaient un trésor. Cette délicatesse ne pouvait être le fruit de mon imagination. Elle en avait déjà fait preuve, enflammant mon cœur et mon corps à Ottawa, lorsqu'elle avait passé ses doigts sur ma joue pour m'embrasser tout en refusant qu'on pose son regard sur moi. Cette peau douce et chaude ne pouvait pas non plus être une illusion tant elle était semblable à celle qui avait enserré mon être contre elle. Je me rassainissais donc tout en préférant douter des intentions que je lui prêtais que de la véracité des faits.

J'eus finalement confirmation que mon sens de l'orientation dans cette forêt était tout bonnement prodigieux voire divin lorsque les fins faisceaux de lumière qui transperçaient le plafond de verdure vinrent effleurer mon visage. Je sentais la souche sylvestre derrière moi et je m'y assis, ne sachant à quoi m'attendre, réprimant le maelstrom d'idées qui fourmillaient dans mon esprit et oblitérant toute tentative rebelle de mon esprit qui désirait que j'ouvre les yeux pour essayer de glaner une information, aussi mince soit-elle, qui pourrait m'aiguiller sur la suite des événements. Je finis par en avoir une. Sans même ouvrir les yeux. Mêmes deux, l'une plus prompte à affoler ma respiration,mon cœur et l'usine à fantasme qui tournait à plein régime sous ma chevelure rose, que l'autre. La première fut le son distinct de mouvements qui s'opéraient juste devant moi, très près de moi puis son souffle sur mon cou. Le sien. Enfin je sentais son parfum que je connaissais par cœur pour en être totalement folle venir taquiner mes narines. Le supplice était horrible et il me fallut toute la volonté du monde pour ne pas ouvrir les yeux.

- Tu peux ouvrir les yeux.

Mes pensées fusèrent aussitôt. J'allais enfin pouvoir contempler son regard et me faire une idée des tourments qui pouvaient la saisir ou du moins du propos de cette escapade champêtre, fixer mon cœur qui ne parvenait plus à maintenir son calme. J'eus à peine le temps d'ouvrir les yeux qu'un nouveau message vint à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau avant que ce dernier ne cesse toute activité compréhensible. Elle a sa main sur ma joue et ELLE M'EMBRASSE. Elle m'embrasse. Naomi m'embrasse. Moi. Je reste quelques secondes, ne sachant quoi faire, que dire, que penser. Ce n'est pas la première fois que nos lèvres se touchent mais tout est si différent. La première j'étais celle qui pleurait, celle qui l'implorait de laisser mes lèvres toucher les siennes alors qu'un trou noir venait engloutir petit à petit chaque étincelle de vie en moi, la seconde fois elle n'était pas elle-même, l'alcool l'ayant fait sauté le pas - même si je continue de penser que c'était l'expression décomplexée de ses véritables sentiments - mais ce n'était pas ça. C'était un changement certes, je savais que sur ce plan les chose n'étaient pas les mêmes mais le sentiment, l'impression qui m'habitait aussi. Lors de nos précédents baisers, j'avais toujours eu l'impression que quelque chose manquait sans jamais pouvoir mettre le doigt dessus, finissant par mettre l'étiquette de la réciprocité sur cette absence sans pouvoir m'en convaincre mais je comprenais enfin totalement. J'étais la Melody de tout le monde, chacun voyait en moi ce qu'il voulait voir et je n'étais qu'une entité sans accroche. A chacun sa Melody. Ce baiser, lui, m'affirmait comme SA Melody. Son corps entier cherchant mon contact, ses lèvres cramponnaient aux miennes, ses doigts sur ma joue, ce mariage incroyable de fougue et de délicatesse... Tout son être veut que je sois sienne. Elle m'aime plus que je n'aurais jamais pu l'espérer et ce sentiment me traverse de part en part. Un second coup de foudre. Ce genre de blessure agréable qui vous garde toute l'existence. Je suis sa Melody. Et sûrement pour longtemps. Des larmes apparaissent aux coins de mes yeux sans dévaler mes joues et le temps s'arrête alors que je glisse une main dans ses cheveux et que je passe mon autre bras autour de son cou comme pour l'empêcher de partir. Naomi. Je t'aime tellement. Je veux simplement qu'elle inscrive ses mots dans son cœur, que cette nervosité disparaisse, je veux qu'elle s'épanouisse auprès de moi et qu'elle lie sa vie à la mienne. 1 an de douleur pour une éternité de bonheur. Voilà ce qui anime mon esprit en cet instant. La peine vaut la récompense. Grâce à toi Naomi.. Je n'ai plus peur de l'amour, plus maintenant. Finalement après quelques instants bien trop court à mon tour, elle interrompt le baiser et je perçois à ce moment les larmes qui strient son visage.

- Je suis désolée... Désolée d'avoir pris aussi longtemps, désolée de ne pas avoir compris avant que tu étais tellement plus importante, tellement plus proche de moi...

Je ne réponds rien. Pas par désintérêt. Non, je sais ce qu'elle endure et j'ai envie de faire taire cette douleur que je vois naître sur le visage angélique de ma nouvelle petite-amie. Oui j'en suis déjà certaine. Oui je sais ce qu'elle veut me révéler. Je sais aussi qu'elle a besoin de cette expiation. Je suis passé par là. J'ai dû lui avouer mes sentiments et je sais que ce n'est pas aisé. L'interrompre ne ferait que lui rendre la tâche plus difficile alors je me contente de la regarder, un petit sourire tendre au coin des lèvres et mes doigts fins sur sa peau pour chasser chaque larme qui coulent.

- Tu n'es pas ma meilleure amie... Tu es... Je...

Je ne suis plus sa meilleure amie. Ses illusions ont fini par s'envoler. Sa barrière a fini par s'envoler. Elle sait enfin ce que je représente réellement à ses yeux. Elle a enfin compris quel amour je lui voue. Elle a enfin compris l'amour en lui-même. Je lui ai fait comprendre l'amour. Un sourire s'érige sur mes lèvres alors que j'entends les mots que j'attend depuis si longtemps, les mots que j'ai rêvé qu'elle me prononce, ceux que je lisais dans ses yeux quand ses lèvres ne pouvaient les laisser passer, ceux qui désormais enchanteront mes jours, ceux que je veux entendre jusqu'à ma mort. Trois petits mots. Anodins pour certains mais qui viennent d'éclairer  mon avenir d'une lumière nouvelle qui transforment les décombres de mon cœur en un château dans laquelle elle sera l'unique Maîtresse, l'unique reine, mon unique exception.

- Je t'aime.

Quoi qu'elle dise, quoiqu'il puisse se passer entre nous, chaque détail de cet instant restera gravé dans mon cœur comme une oeuvre d'art qui jamais ne pourrait faner. Je me souviendrais de son expression, de la douceur du soleil sur ma peau, du froissement des feuilles sous le léger courant d'air. Je passais doucement mes doigts sur son menton avant de capter son regard du mien, m'y perdant quelques instants avant de lui murmurer ce que mon cœur voulait répondre.

-"Naomi.. ne t'excuse pas... toi aussi tu as souffert.. oublie la douleur... je suis là.."

Je venais apposer mes lèvres aux siennes un quart de seconde, sans la lâcher du regard, résistant à l'envie de me perdre dans un baiser enfin naturel, enfin permis. Je reprenais toujours avec ce ton doux et apaisant, mon regard toujours dans le sien pour apaiser les sanglots de culpabilité et d'angoisse qui agitait sa voix. Elle n'avait plus rien à craindre, je voulais qu'elle le sache.

-"Je serais toujours là... je serais là pour construire avec toi et te soutenir.. je ne suis plus aussi fragile qu'avant.. compte sur moi.. Je t'aime ma princesse... Maintenant plus que jamais auparavant.. N'aie plus peur.. Je suis ta Melody..."

Le silence persiste alors qu'elle serre un peu ma main dans la sienne. Je ne brise pas ce silence et je continue de scruter son visage pour la voir se débattre avec le maelstrom d'idées qui semble agir dans sa tête. J'aimerais faire plus mais je dois la laisser affronter ses nouvelles émotions, ses nouvelles pensées.. Ne pas la serrer dans mes bras.. aussi difficile que ce soit.. Ce supplice ne dure cependant que quelques instants car mon regard croise le sien. M'étais-je déjà rendue compte à quel point son regard était envoûtant et magnifique ? Des centaines de fois? Des milliers? Pourtant je sens une bouffée de bonheur m'envahir tandis que je suis ses gestes sans protester, tandis que je la regarde se mettre à ma hauteur et m'enlacer avant de m'emprisonner littéralement dans ses bras. Je la sens tremblée. A t-elle froid? Non elle a juste besoin d'extérioriser, juste besoin de moi. De moi. Je n'aurais jamais cru être son essentiel. Je peine même à y croire tandis que je passe mes bras autour d'elle pour la serrer contre moi, pas trop fort, cependant je ne peux que me ranger à l'évidence quand elle reprend la parole.

- Je t'aime. Je veux t'aimer éternellement.

Toutes les miettes de peur qui subsistaient dans mon cœur s'évanouissent à l'écoute de ses mots tandis que des larmes coulent le long de mes joues. Je ne suis pas triste. Je n'ai aucun regret. Je suis parfaitement heureuse justement. J'en tremble même quoique le froid y est pour quelque chose. Sa voix... Je ne l'ai jamais sentie aussi sincère. J'ai envie de m'effondrer dans ses bras et ne plus jamais en sortir mais à quoi bon pleurer sur le passé? Le présent c'est nous et l'avenir c'est nous. Mon cœur est en train d'imploser de bonheur comme jamais, je suis plus heureuse encore que quand j'ai rencontré John, plus encore que lorsque je suis devenue mannequin, plus encore que lorsque Katie m'avait tendu la main dans mon enfer quotidien, plus encore que ce soir où j'avais pu sentir qu'elle ne désirait pas voir une rivale me subtilisait sous son nez. J'essuie mes larmes discrètement pour ne pas la troubler. Je ne veux pas qu'elle me pense triste. Je lui dois tant et je ne veux pas gâcher notre instant, le premier moment où nous autorisons nos cœurs à battre à l'unisson. Je l'observe s’asseoir auprès de moi sans un mot, captivée par son regard qui plonge dans le mien, un léger sourire aux lèvres tout en replaçant une mèche de cheveu qui encombre son visage.

-"Je t'aimerais éternellement Naomi... je te le promets.."

Ce serment je l'ai déjà fait tant de fois en le pensant du plus profond de mon cœur mais cette fois c'est différent. Si différent. Aujourd'hui c'est réciproque et aujourd'hui plus que jamais, c'est elle qui est fragile et je peux enfin prendre soin d'elle, la protéger, serrer sa main comme je le fais sans avoir peur d'être de trop ou de la voir m'abandonner une fois le sourire retrouvé. Je glisse légèrement vers elle pour me coller contre elle, profitant de mon absence de manches pour sentir sa peau contre la mienne. C'est presque une délivrance. J'ai l'impression que son contact, sa présence est devenu une ressource vitale. Elle est mon oxygène et je ne semble pas être la seule à ressentir ce besoin. Naomi m'attire vers elle et nos lèvres se touchent. Ce baiser.. Des frissons parcourent l'ensemble de mon corps, mes doigts viennent lentement caresser sa joue avant de l'encadrer et je ferme les yeux pour me perdre totalement dans ce moment de tendresse et de passion. Je sens mon corps attiré par le sien et je ne résiste pas à la proximité qu'elle cherche, au contraire, je me love contre elle autant que possible en essayant de lui rendre toutes les sensations qu'elle m'offre. Elle embrasse si bien.. J'ai tellement peur de ne pas savoir faire passer tout ce que je ressens dans mon baiser... Mon cœur bat si vite.. J'ai toujours eu l'impression d'embrasser de manière correcte mais d'un coup j'ai peur de briser l'instant par mon manque d'expérience.. Je me ressaisis et je caresse son bras du bout des doigts pendant l'intégralité de ce moment magique. J'ai l'impression d'avoir attendu ce moment depuis ma naissance. Ce même sentiment que ce soir d'Ottawa mais plus fort encore. Je veux être à elle. Je suis à elle. Je suis une partie d'elle. Je finis par devoir interrompre ce baiser à bout de souffle, les joues rouges de part le froid ambiant et les émotions qui se bousculent dans ma tête et mon cœur, décidément tout deux trop petit pour l'amour que je ressens pour cette blondinette aux yeux d’émeraudes. Je reprends mon souffle lentement en continuant de la fixer, mes doigts toujours sur sa joue et son bras et je murmure lentement, exprimant cette pensée qui flottait dans ma tête pendant toute notre étreinte.

-"Je suis complètement à toi Naomi.. je l'ai toujours été... je le serais toujours... je suis née pour toi..."

Je restais là, le souffle court, ne voulant pas briser pas l'instant malgré le froid qui secouait mon être de légers frissons. Je voulais rentrer avec elle à Londres sans me retourner. Enfin vivre notre amour. Je voulais crier l'appartenance de mon cœur à la Terre entière, quitte à crier en plein défilé que j'aime cette jolie petite actrice. Cependant paradoxalement, je ne voulais pas bouger d'un millimètre de cette souche. Rester là, près de l'amour de ma vie, de celle qui avait toujours animé mon cœur, celle avec qui j'avais forcé le destin à nous réunir, celle que je pouvais enfin appelé:

-"Ma Naomi..."

J'ai l'impression de m'envoler. L'impression de flotter de passer de l'autre côté d'un miroir et d'entrevoir un nouveau monde. Au revoir les jours mornes et le cœur lourd, la pluie battante,le silence et le noir et blanc. Bonjour les jours heureux et le cœur léger,le soleil sur ma peau délicate, la musicalité,les couleurs. Je reste là à me perdre dans mes pensées, à frissonner pour rechercher un peu plus le contact enivrant de sa peau avant de reprendre une bouffée de liberté et de bien-être lorsque ses doigts effleurent les mien avant d'étreindre les miens délicatement. Je vis un rêve éveillée, le rêve de nombre de femme avant moi et après moi. Le rêve de presque toutes les petites filles de cette Terre à une différence près : je n'ai pas besoin d'un prince car j'ai ma princesse aux cheveux d'or et au regard fait d'émeraudes.

- Tu vas attraper froid, mon trésor...

Un léger sourire point aux coins de mes lèvres. Deux mots suffisent à mon bonheur. Mon trésor. C'est stupide voire puérile mais qu'importe. C'est mon bonheur. Je fais un léger non de la tête pour tenter de faire durer l'instant comme si j'avais peur que s'il prenne fin, mon idylle, ce rêve prenne lui aussi fin mais je ne peux clairement pas tromper son attention. J'ai belle et bien froid. Elle se lève lentement en m'enjoignant à faire de même tandis que mes joues continuent de s'enflammer suite au surnom qu'elle vient de me donner et qui ravive encore en moi les flammes de la passion. Je l'observe silencieusement, gravant en moi chaque geste de sa part comme s'ils étaient précieux. Non ils le sont. Chaque seconde de cette nouvelle vie qu'elle m'offre est précieuse car je suis avec elle. Finalement avec elle. Pas seulement cependant je ne peux me débarrasser de la peur tacite que cela ne dure pas. Je lis la sincérité dans ses yeux, des sentiments presque égaux aux miens mais les contes de fées ont tendance à ne pas durer avec moi. Je serre un peu plus sa main dans la mienne pour me convaincre une énième fois que ce n'est pas une illusion crée par mon cœur pour me détourner du désespoir, qu'elle ne disparaîtra pas à notre prochain baiser, qu'elle ne me laissera pas. Elle subsiste. Elle existe. Je ne rêve pas. Du moins je crois même si mon cerveau ne parvient pas à mettre une logique à tout ça. Dois-je réellement en trouver une? Elle est à moi pour aujourd'hui et c'est déjà beaucoup.

- Viens, on rentre. Je ne veux pas que tu tombes malade.

Sa voix mélodieuse me rappelle à notre univers et je hoche discrètement de la tête. J'ai presque de la misère à parler tant le bonheur devient de plus en plus conséquent. Je crois que je réalise petit à petit. Je me surprends même pendant notre promenade à regarder mes doigts entrelacés aux siens, les mêmes qu'elle vient de couvrir de baisers ou toucher mes lèvres comme si je cherchais une trace de notre échange amoureux. Une preuve tangible que je n'affabule pas. Le bras autour de moi et la chaleur de son corps à travers le tissu me suffit à ne pas me penser folle.

Finalement,on arrive à sa voiture et elle l'ouvre pour en sortir de quoi me couvrir. Pendant qu'elle s'affaire sa main toujours dans la mienne, je regarde autour de moi. Tout est si différent. Non, je suis différente. Non, le monde est différent et je suis différente. Je la sens prendre ma seconde main tout en m'embrassant. Ce baiser.. ce contact aussi éphémère soit-il... Il me rend totalement folle.. Je sens mon cœur battre la chamade tandis que je fond tout entière. J'ai envie de m'accrocher à elle. De ne plus jamais la quitter. De ne plus être loin d'elle. Je quitte ce baiser avec une frustration non dissimulée alors que mon regard se fond dans le sien.

- Tu veux rentrer à Londres avec moi ?

Sa demande me prend au dépourvu. On aurait dit qu'elle comptait me demander en mariage ou presque.. Je sens le sang affluer à mes joues, les empourprant par la même occasion. Je serre de nouveau ses mains un peu plus avant de jeter un regard à la maison voisine. Je devrais rentrer et faire part de mon départ. Je devrais au moins laisser une lettre pour qu'il ne s'inquiète pas mais... Mon regard retrouve celui de ma dulcinée et je ne peux tout simplement pas y résister. J'ai envie de vivre l'instant présent. On peut m'en vouloir, j'en ai cure. Mon avenir se trouve devant moi, mon avenir c'est Naomi et je sais qu'ils comprendront. Même Victoria aussi étrange soit-il. Je passe doucement mes deux bras autour de son cou et je me penche légèrement pour venir lui subtiliser un baiser langoureux et plein d'amour que je ne cesse qu'une fois à bout de souffle. Là, mon regard rejoint le sien, mes doigts glissent sur sa joue et je lui murmure d'un ton doux, joueur et sacral à la fois.

-"Oui je le veux..."

Je tire légèrement la langue, fière de mon effet avant de contourner la voiture, séparant nos mains à regrets et de m'installer à la place passager. Je jette un dernier regard à la maison avant de me consacrer à la suite du voyage en allumant le chauffage, histoire de me réchauffer un peu. Je me tourne ensuite vers ma petite amie, les étoiles pleins les yeux, une fierté incommensurable dans la voix et un sourire aux lèvres.

-"Quel est le programme princesse?"