[2017] Wha-wha-what did you say~?

Je me sens anxieuse à l'idée de la cloche qui sonne pour annoncer la reprise des curs avant la pause. Honnêtement, cette première journée semble longue. Cependant, je suis contente de voir que certain élèves sont motivés. Je trouverais de quoi leur faire aimer la littérature, j'en suis sûre. Je change de salle pour aller rejoindre ma prochaine classe. Si ce que je pense s'avère juste, ils devraient être plus sage du fait de leur âge. Du moins je l'espère. Je me colle à nouveau ce sourire de façade, qui ne marche que sur les plus idiots et entre dans la pièce après être passée au milieux des élèves. Fait amusant : certains ont semblé avoir un regard de pitié pour moi. Est-ce parce que je suis petite ? Ou nouvelle ? Je souris intérieurement, je ne compte pas leur laisser mener une douce vie paisible pendant mes cours. Je pose à nouveau mon sac sur le bureau et les observe quelques secondes. Je souris cette fois plus sincèrement, ils semblent en effet plus calme. Quoi que d'autres ont l'air bien agités. Je soupire doucement avant de reprendre la routine des deux premiers cours et d'attraper un feutre pour écrire mon nom au tableau. Je m'arrange cette fois pour ne pas me mettre sur la pointe des pieds et me tourne de nouveau vers ma classe.
« Je m'appelle Alysse Herart. Je serais votre nouvelle enseignante dès maintenant. Je vous laisse le choix de m'appelez comme vous le souhaitez entre Alysse ou Madame, mais je vous demanderai de me vouvoyer dans tous les cas. » Je leur souris. Ils semblent au moins m'avoir écoutés. Je mordille discrètement mon labret.

Instaurer une relation de confiance me souffle une voix dans ma tête. Je pose mon regard sur une élève, ses cheveux rosés me font sourire. Coloration ? Signe de clan ? Délinquance juvénile ? Je ne connais rien de l'histoire de ces jeunes gens. Je remarque alors que la jeune fille en question porte un casque. Je m'approche doucement d'elle et pose le bout des doigts sur son bureau, pour attirer son attention. Savoir que j'enseigne avec de jeunes rebelles ne me donne pas envie d'essayer de voir leur réaction si je les touche. Je lui souris lorsqu'elle lève le regard vers moi et lui montre son casque.
« Peux-tu le baisser s'il te plaît ? Je vais donner des consignes, tu pourras le remettre après, d'accord ? » Ma voix est douce, aucun mot n'est agressif ou plus haut d'un ton. La conciliation, c'est toujours quelque chose de bien. Je lui souris à nouveau avant de retourner à mon bureau prendre une liasse de feuilles. Je ne supportais pas recevoir ces feuilles quand j'étais étudiante, mais je dois avouer que c'est pratique pour connaître les élèves.
« Je ne vais pas vous demander de mettre vos noms devant vous, j'ai plutôt bonne mémoire visuelle, et de toute façon j'ai à ma disposition votre trombinoscope. » je vais une pause et regarde le-dit document. « D'ailleurs le sourire n'est pas le fort de certains ! » je les regarde un instant, ce n'étais pas une réflexion, simplement une remarque comme si je disais qu'il fait beau dehors. « Je vais vous faire passer des fiches de renseignements, je vous laisse le soin de les remplir correctement. Je les garde pour moi, aucune communication avec  mes collègues ou d'autres élèves. J'ai simplement envie de vous connaître. »
Je regarde la jeune rose et lui fait signe qu'elle peut remettre son casque. « Je vous laisse le temps dont vous avez besoin pour le remplir, ne vous précipitez pas. »
Je passe alors dans les rangs pour leur donner les questionnaires, en profitant pour commencer à mémoriser les visages de ceux qui auront besoin de motivation et ceux qui semblent déjà motivés. Une fois les feuilles distribuées, je retourne à mon bureau et les observe en silence, remplisant moi même un questionnaire, dans le but de leur lire après, histoire qu'eux-même apprennent à me connaître, et acceptent de me faire confiance. Ce que je voulais, c'est que les élèves dans les couloirs puissent dire « génial j'ai Anglais après ! » ou bien « C'est la seule prof qui me comprends, au moins ses cours sont intéressants ! » Je suis peut-être un peu trop naïve.

Je souris niaisement, satisfaite que les troisièmes années soient plus calmes que les deuxièmes années. Un eu de repos ne fait jamais de mal. Le manque de caféïne commence à se faire sentir et j'envisage sérieusement de me faire installer une perfusion un de ces quatre. Je relève la tête de ma propre copie après avoir fini et remarque que bon nombre semblent avoir fini. Je me lève donc pour passer entre les rangs et lire le mini dossier de chacun. En voyant certains noms, je me dis en silence « Ah oui, les profs en ont parlés » mais j'ai décidé de ne pas coller d'étiquettes sur les enfants. Pas tout de suite du moins. Après quelque trois minutes, je peux récupérer les fiches de tout le monde. Je leur souris donc et prends ma propre fiche avant de faire un signe à la jeune fille au casque qui n'a pas arrêté de me fixer.
« Bien jeune gens, comme vous vous êtes livrés au jeu, je ne vois pas pourquoi moi non plus. » Je leur souris avant de porter ma fiche devant mes yeux et de commencer à lire :
« Nom e prénom, ça je vous l'ai déjà dit. Age ? Je n'ai que 24 ans, mais gare à ceux qui m'appelleront « grand-mère » par accident ! » Je ris et les regarde. Certains semblent s'être détendus. Je glisse une mèche blonde derrière mon oreille et continue, décidant de passer entre les rangs. Leur paraître proche, c'était la première étape pour ne pas qu'ils se sentent en sécurité avec moi. « Petis boulots : babysitter. C'est un peu comme être prof, mis avec des plus petits. Musique : je n'en écoute pas vraiment, mais j'aime beaucoup le violon. Livre : alors je vous vois déjà dire que j'ai bien choisi mon métier, mais mon livre favori c'est Songe d'une nuit d'été. Ce sera d'ailleurs la première œuvre que nous allons étudier à partir de Mercredi. Je vous demanderais donc d'essayer de vous en fournir un exemplaire. » je souris et retourne à mon bureau. Pour ce qui est de mes envies de métier et de mes matières préférées, je ne peux pas répondre. Je me tourne alors vers eux et les observe en silence un instant. Comment je peux passer d'une classe aussi difficile que la 2°A à des agneaux pareils ? Je soupire intérieurement et prends un livre dans mon sac. Je l'ouvre alors à une page au hasard.
« Très bien, maintenant je veux voir à quel niveau ma collègue vous a laissé. Je vais lire et vous allez noter le nombre de phrases au subjonctif que vous entendez. Je veux aussi que vous releviez toutes les relatives des principales. Rassurez vous, je ne vais pas vous noter. »

Je lis pendant deux pages avant de m'arrêter et de les regarder. Certains ont des airs frustrés, d'autres semblent concentrés, certains ont l'air d'en avoir strictement rien à faire, d'autre encore semblent ne pas prêter la moindre attention à mon cours. Au moins, ils étaient respectueux de ceux qui voulaient travailler. Je souris encore et regarde la marque dans mon livre. Bien, maintenant, j'ai plus qu'à interroger un élève. Je regarde la liste nominale et pose mon doigt au hasard sur un nom. Tiens une fille, ça devrait bien se passer. En général elles aiment la littérature.
« Ms Williams ? » Je regarde quelle fille lèvera la tête et remarque que c'est la petite au casque. Elle a l'air d'être très solitaire, on dirait un peu moi à son âge. Je sais que je ne suis pas sensé faire de favoritisme mais cette gamine, je pense que je vais bien l'aimer. Lorsque nos regards se croisent, je lui souris et lui fais un signe de tête, attendant sa première réponse. Le nombre de phrases au subjonctif dans les extraits lus. Je pense que cette gamine doit être bien plus douée qu'elle ne le laisse paraître. Je regarde les fiches, cherchant la sienne le temps qu'elle réfléchisse à la question. Je la lis rapidement et fini par la fixer avec des grands yeux, la bouche légèrement entre-ouverte. Mannequin vraiment ? Pas qu'elle ne soit pas mignonne mais je ne pensais pas qu'il y avait des enfants-stars ici. Je lui souris voyant qu'elle semble prête. « Alors ? »