Eva Tremblay

Comment une enfant comme les autres, une enfant née dans une famille modeste mais aimante pouvait en être arrivée là? Tout cela était simple. Un seul événement suffisait à perturber une vie. Un instant suffisait à ce que le monde ne s'effondre autour de vous.

Remontons au début bien qu'il n'est pas réellement d'importance. Je suis donc née à Ottawa en compagnie d'un autre petit être lors de l'année 2001. Précisément le jour de la naissance du Christ. Quel plus beau cadeau pour un père et une mère que deux petites filles semblable en tout point me direz-vous? Et bien aucun et rien ne vint entacher ce bonheur pendant longtemps.

13 ans plus tard, les choses dégénèrent. Un simple événement vint perturber un quotidien sans accroc. On pourrait croître que lorsque votre vie va prendre un tournant inéluctable, un tournant horrible, la journée qui accomplirait cette oeuvre aurait un attrait particulière, que le temps serait nuageux, orageux, que rien ne semblerait comme d'habitude ou que l'ambiance serait pesante comme si l'air était parcouru de petits courants électriques. Il n'en ait rien. Je ne m’appesantirais pas sur les circonstances. Je me suis rendue à l'école avec ma sœur comme à mon accoutumée ,
traversant les quelques rues qui me séparaient de cette dernière, devançant ma sœur de quelques mètres lorsque déboula un camion, lancé à toute allure, trop proche pour que ma sœur puisse l'éviter. Je pense que la suite vous apparaît très nettement? Non?
Je n'ai pas réfléchi. J'ai poussé ma sœur violemment hors de la route et puis ce fut le néant. Pas exactement. Une douleur incommensurable et puis.. le néant. Une vie venait de basculer.

Je ne m'éveillais que quelques jours plus tard, entière et dans une santé plutôt remarquable au vu de la force de l'impact mais rien n'était pareil. J'ouvrais les yeux sur un monde nouveau. Sur un monde que je n'aurais jamais voulu connaître. Tout avait changé les murs blancs de l’hôpital avait laissé place à des murs organiques et suintant de fluides repoussants, ma sœur - ou du moins ce qui s'avérera être ma sœur - semblait être un amas hasardeux de matières sans nom, mes parents me semblaient être deux êtres confondues comme assemblés à la va-vite. Effrayée, je fis semblant de sombrer à nouveau dans le sommeil, mon esprit empli de questions tout en espérant qu'en rouvrant les yeux les choses changeraient. Vous savez lorsque vous regardez des séries post-apocalyptiques comme Walking Dead, chacun aspire à ce que le monde revienne comme avant, que ce soit un rêve du début à la fin avant de perdre cet espoir chaque jour? Ce fut mon cas depuis lors. Chaque jour depuis lors, je me refermais un peu plus sur moi, chaque jour je taisais ce que je voyais de peur d'être vu comme une folle. Je contenais le dégoût et la folie qui grandissait en moi. Jusqu'à ce que je ne puisse plus. J'ai pris le pistolet de mon père et j'ai tiré sur mes parents, pas mortellement de part le résidu d'amour qui pouvait rester en moi. J'usais 5 autres balles dans mon lycée avant de me rendre sagement, sans même un sursaut de dégoût lorsque les appendices monstrueux des forces de l'ordre vinrent me saisir pour m'emmener. A quoi bon? Une prison de chair ou une chambre du même matériau. Ou même un corps.. L’emprisonnement  reste le même.  Certes, je n'eus guère à y rester bien longtemps car le lien entre l'accident et mon changement profond se fit facilement. J'eus à passer des entretiens, des tests médicaux qui attestèrent que j'avais des lésions cérébrales responsable de mes "visions" et on me déclara "non-responsable de mes actes". Je l'étais pourtant. J'avais désiré stopper ce monde horrible, le faire disparaître mais rien n'y fait et ce n'est pas ce centre de redressement qui pourra y changer quelque chose à mes yeux. Peut-être car ce monde qui est le mien n'est pas un enfer sur terre mais le vrai visage de mes semblables.