Dwayne Marshall

L'histoire de Dwayne... qu'est ce qui a bien pu clocher dans sa vie? Pour le savoir, remontons jusqu'au commencement, à savoir à sa naissance. Né dans une famille plutôt modeste au Texas, le petit garçon a commencé sa vie assez brusquement dans un foyer tout aussi chaotique. Déjà, il n'était pas désiré par son père et n'a jamais cessé de le lui répéter. Il aurait pu avoir un grand frère ou une grande soeur, mais sa mère a fait une fausse couche, la faute à son tyran de mari qui lui frappait le ventre chaque soir, trop avare pour payer un avortement. Pour Dwayne, ce fut différent, car la chance fut en sa faveur. Si au début, elle n'avait presque pas de ventre durant les quatre premiers mois, les cinq mois suivants, on pouvait voir son ventre prendre du volume, mais Kyle, son père, fut envoyé en cure de désintoxication, suite à une énième overdose qui a failli lui être fatale. Pendant ces cinq mois, la mère pouvait donc tranquillement avoir son enfant, pouvant accoucher dans de bonnes circonstances.

Si l'accouchement s'est bien passé, le reste de la vie fut différent. Très vite, la satisfaction de la mère partit quand le père revint, avec la rage de celui-ci en voyant qu'elle avait un enfant, le sien. Il ne voulait pas s'occuper de l'enfant, pire encore, il en faisait tellement baver à sa femme qu'elle ne pouvait plus s'occuper de Dwayne correctement. Le sadisme du père allait jusqu'à le réveiller volontairement la nuit avant de partir travailler, ne laissant aucun répit à sa mère. Bien entendu, comme si cela ne suffisait pas, il avait commencé à redevenir violent, envers elle et surtout envers le petit. Bras cassé, petits bleus, dès l'âge de 2 ans, les services hospitaliers commençaient à avoir l'habitude de la présence de Dwayne. À chaque fois, on prétextait des accidents et autres excuses du genre. Sa mère tenait bon mentalement, jusqu'au jour où, folle de rage, elle s'en pris à son tour au petit.

Depuis cet incident, elle avait enfin trouvé la sérénité dans son couple, en prenant le fils qu'elle avait tant attendu comme bouc émissaire, avec la même routine. La mère, brisée, lui préparait son petit-déjeuner avec autant d'amour que de violences dans ses coups. Ensuite, une douche glacée, afin d'effacer le plus rapidement possible les bleus sur le visage, et si, par malheur, ils étaient encore trop visibles, il repassait à la douche, sans possibilité de se réchauffer. Une douche glacée, ça peut faire du bien en été, mais en hiver, quand la température devient négative, c'était une autre histoire. Cinq, dix, vingt, trente minutes... c'était son quotidien désormais, pour paraître intact de l'extérieur. À la fin de chaque douche, sa mère l'essuyait, le préparait et l'emmenait à l'école avec un sourire, avant de l'embrasser sur le front et de rentrer chez elle. La bipolarité de Beth devenait de plus en plus forte, et pouvait passer de la joie à la colère en quelques instants.

Tout bascula le jour de son neuvième anniversaire. Dwayne, qui malgré sa situation, a réussi à sympathiser et à se faire quelques amis. Il les avait invité chez lui, sa mère ayant préparé un gâteau. Kyle lui, était encore au travail, et n'aurait pas toléré une telle fête chez lui. Tout se passait bien, quand ils virent le père rentrer plus tôt que prévu à son domicile, en fin d'après-midi. Tout le monde était content de le voir arriver. Tous? Non, sa femme et son fils étaient effrayés pour la même raison. Beth fit tomber le gâteau sur Dwayne, feintant une chute. Si elle voulait échapper au courroux de son mari, elle savait ce qu'elle devait faire. Le père raccompagnait les enfants chez eux, disant que l'anniversaire était désormais terminé. La déception était présente, mais ils partirent tous avec l'homme qui leur souriait d'une étrange manière. Aucun d'entre eux ne se doutaient de ce que le jeune homme subissait de la part de sa mère.

Deux dents cassées et une dizaine de bleus plus tard, Kyle revint, avec un visage terrifiant, presque inhumain. Le petit était dans sa chambre, évanoui à cause des coups subis. Sa femme l'enlaça, lui souriant.

-Ça va, je l'ai assez puni pour toi mon cœur? Tu vas continuer de m'aimer hein? Tu veux que je le punisse encore?

Un sourire carnassier s'afficha sur le visage de son mari. Il avait acheté un caméscope avec une mini-cassette et la posa à l'endroit le plus haut de la pièce et l'alluma. Il revint ensuite vers sa femme, la saisissant par les épaules et lui adressant d'une voix calme ces mots.

-Ce n'est pas lui, qui devait être puni.

Le reste de la nuit fut mouvementée, entre les coups, de plus en plus violents, les cris étouffés, les pleurs, puis le silence, ce calme dans la nuit. Le lendemain matin, le petit se réveilla, enfermé dans sa chambre. Son père ne savait plus quoi faire, la situation l'avait échappé. Que devait-il faire du petit? Le faire taire comme sa mère? Ou en finir avec lui même? Dans sa chambre, il n'y avait qu'une télévision, avec un film plutôt violent qui semblait y passer. Avec des acteurs étrangement connus, alors qu'il n'avait jamais regardé de films. Son père avait enfermé le fils dans sa chambre, avec comme seule distraction, ce qu'il avait fait hier soir.

-Ne t'en fais pas Dwayne, maman arrive! Fermes les yeux et elle reviendra bientôt!

De l'autre côté de la porte de sa chambre se tenait sa maman. le film passait en boucle. Kyle lui, ne décida de sortir de chez lui qu'une seule fois, pour s'acheter une corde assez solide pour soutenir un poids à trois chiffres. À son retour, plus aucun bruit, le même calme d'une nuit qui était devenue éternelle.


Les forces de l'ordre furent appelées par le voisinage, suite à l'absence de la famille et à une odeur des plus nauséabondes. En fouillant le logement, ils tombèrent sur un enfant qui semblait dormir, sous les coups et les cris du film qui passait encore. Il respirait faiblement et son pouls était très faible. C'est un miracle qu'un enfant ait survécu autant de temps. Dormir lui avait fait économisé beaucoup de forces au final, assez pour tenir le temps de l'arrivée des secours. Est-ce que son père a voulu le sauver de sa propre folie, au final? On le saura jamais.

Durant les jours qui suivirent, il fut placé dans un hôpital afin qu'il puisse récupérer son énergie et se faire soigner de toutes les séquelles de ces dernières années. Il y resta pendant trois mois, avant d'être placé dans une liste d'adoption, en dehors des Etats-Unis, pour protéger le petit de tout ce qu'il avait vu. Le plus dérangeant, c'est qu'il pouvait témoigner du meurtre de sa mère sans aucune gêne. Il avait vu la vidéo tellement de fois que cela ne lui faisait plus peur, racontant que ce n'était qu'un film, et que s'il dormait suffisamment, sa mère viendrait la chercher quand elle sera revenue.

C'est donc le 11 septembre 2001 à 6h30 qu'il prit l'avion de Houston pour faire une escale à Boston à 7h50 avant de repartir vers l'Angleterre, accompagné d'une assistante sociale et de sa future famille d'accueil. Quelques hommes parlant une langue bizarre avaient essayé d'aller dans cet avion aussi, mais ils se ravisèrent au dernier moment. Ils avaient failli se tromper d'avion, ça aurait été dommage de se retrouver en Angleterre plutôt qu'à Los Angeles. C'est ainsi que la nouvelle vie de Dwayne débuta, passant du pays de l'oncle Sam pour celui du thé et du fish and chips.

Dwayne a maintenant 14 ans et vient d'être admis à Indarë en tant que potion, pour troubles mentaux et mutisme. Depuis son arrivée en Angleterre, il ne parlait quasiment plus, trouvait que la violence n'était qu'une manière comme une autre de dire bonjour, un peu comme une poignée de main. Et surtout, il prenait tout le monde pour sa mère. Chaque élève ou professeur qui lui montrait un minimum d'intérêt se voyait surnommé "maman" par Dwayne. Bien sûr, il se comportait comme s'il était le fils de la personne en face, ce qui avait comme conséquence de faire rire ses camarades, du moins, une partie. L'autre voulait juste se moquer de lui et empirer son état, en lui inspirant la peur. Durant les deux premières années à l'Institution, le jeune élève se fit séquestrer dans un casier, frapper à plusieurs reprises, voler son téléphone pour le mettre dans des situations compromettantes, et enfin, forcer Dwayne à parler, juste pour se moquer de son mutisme.

Seulement, la maltraitance, ça a toujours été son quotidien, et il vit en ces harceleurs une sorte d'amitié. Après tout, pour lui, il leur disait juste bonjour. C'est en milieu de sa seconde année, lors d'un rendez-vous avec le psychologue, qu'il racontait les activités avec ses "amis". Aussitôt, une sanction tomba et on expliqua alors à Dwayne ce que les amis font et ne font pas, et surtout, que la violence n'était dans aucun cas, un signe d'affection. On le conseilla alors de lui trouver une activité plus saine et qui laissait libre recours à sa créativité, comme la musique.

Le reste de sa scolarité se fit sans encombre, jusqu'à sa quatrième année où il réussit les examens. C'était désormais un homme accompli qui se tenait devant nous, mais ayant subi quelques travers, comme notamment la consommation de drogues douces et les joies de l'alcool et de la chair. On lui a demandé d'être plus productif pour oublier ses maux, c'était chose faite. Au moins, il avait appris à ne plus prendre les gens pour sa mère, à la place, il pensait que sa mère était partie et qu'elle reviendra un jour, peu importe quand, mais elle reviendra. Bien sûr, il faisait ça dans des doses très légères pour ne pas être soupçonné au sein d'Indarë, et après quelques tests psychologiques, on le jugea sain d'esprit, le fait qu'il ait trouvé une certaine stabilité mentale fut suffisant pour convaincre le psychologue de son amélioration mentale.

À l'université, les abus se multiplièrent, maintenant qu'il n'avait plus de restrictions, en dehors de celles imposées par l'établissement. Il est ironique de voir qu'il est tombé dans les mêmes travers que son père alors que petit, il avait très bien vu les résultats de ces abus. Malgré tout, il continua de boire, fumer et de se droguer, jusqu'à la fin de ses 21 ans, où il fit sa première et unique overdose. Le junkie avait eu l'idée de mélanger toutes les drogues en une seule pour se "mettre bien". À l'hôpital, on lui demanda si on devenait prévenir quelqu'un concernant son arrivée ici. Avec le sourire, il a répondu innocemment aux infirmiers.

-Bah, ma mère, pourquoi? Vous avez son numéro, non?

Malgré des jours de recherches, ils ne trouvèrent aucun moyen pour la contacter. Dwayne ne perdit cependant jamais espoir et dit qu'elle les contactera bientôt. Plus le temps passait, moins l'espoir qu'elle vienne fut présent, sauf pour le jeune homme. Au bout d'une semaine, lorsqu'il fut fin prêt à sortir, on lui annonça que sa mère était morte, durant des années, ce qu'il nia en bloc. Impossible qu'elle soit morte, elle est partie, et ce qu'il a vu à la télé, c'était un film, rien n'était réel, c'est son père qui lui a dit. On l'envoya alors en centre de désintoxication après la remise de sa licence, période durant laquelle, il fit la connaissance de James, le réceptionniste du centre, avec qui il se nouera très vite d'amitié puis d'amour. Il avait vu en lui un réconfort, une sorte de compréhension mutuelle et peut-être l'un de ses seuls véritables amis qui ne l'avait pas jugé dans ce centre. Car oui, le jeune homme était seul, très seul, n'ayant que ses conquêtes pour lui tenir compagnie.

C'est au bout de ses deux années de master qu'il se maria avec James, après qu'il lui ait fait sa demande en mariage. Depuis déjà quelques temps, Dwayne s'ennuyait dans son couple, il n'avait plus cette passion qui l'animait quand il s'est mis avec lui, d'autant plus que c'était devenu une routine sans nom. Qui sait, c'était peut-être ça, l'amour, se mettre avec quelqu'un et ne plus rien faire d'autre que d'être avec la personne que l'on aimait jusqu'à la fin de ses jours. Pourtant, c'est dans cette situation qu'il découvrit que l'adultère était quelque chose d'extrêmement addictif. Il voulait des sensations fortes, pas une simple routine qui se répéterait sans arrêt. Au fond, est-ce qu'il l'aimait encore? Après tout, tromper, c'est mal, car il ne lui en avait pas parlé, mais s'il le savait et qu'il l'acceptait, où serait l'amusement, ce frisson d'excitation qui donnait ce goût à la vie?

Après quelques petits boulot, c'est à 24 ans que le jeune homme pris ses fonctions à l'Institution Indarë et à l'université en tant que professeur de spécialité musique, bien décidé à vivre chaque instant de sa vie comme c'était le dernier et à enseigner sa matière du mieux qu'il le peut, tout en restant lui-même.