Certains mondes sont de papier et d'encre [Ashley]

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Ashley Fûjisaki

L'ennui est un mauvais ami. Très mauvais. Assise sur son lit, les jambes battant dans le vide, Roxanna se demandait comment lui fausser compagnie. Ses cours venaient de se terminer, comme à son habitude elle avait terminé toutes les choses à rendre en moins d'une heure et elle était remontée dans sa chambre pour ne pas se retrouver envahie par le bruit de la salle commune. Pas de mission, pas de voyage, pas de travail. Pourquoi était-elle trop jeune pour avoir un métier officiel ? Ça lui aurait occupé ses longues heures d'ennui. Elle soupira. Visiblement, elle ne trouverait rien d'intéressant à faire ici. Son ordinateur allumé lui montrait les jeux qu'elle avait déjà fini, une pile de DVD déjà vus dix fois sous son lit la narguait, et les livres qui s'entassaient dans sa valise n'avaient plus de secret pour elle. Un jour elle aurait tout lu, tout vu, tout fait, et le monde n'en serait pas devenu plus intéressant. Elle aurait aimé naître dans un monde comme celui de Dune, avec tellement de choses à explorer, des difficultés et des défis...

Avec un nouveau soupir, elle se leva, attrapa un sac à la va-vite et quitta sa chambre, puis le dortoir, puis l'école. Qui sait, avec un peu de chance, il se passerait quelque chose dehors. Quelque chose de dangereux ? Peut-être. Elle s'était entraînée tout l'été pour ses missions, elle avait travaillé sur quelques unes d'entre elles. Même si elle était jeune et encore frêle, elle s'estimait capable de sauver quelqu'un d'une agression, et ça lui ferait peut-être une montée d'adrénaline. Mais il ne se passa rien. Alors elle erra dans le quartier de l'école sans trop de but jusqu'à ce que ses pas la portent jusqu'à une bibliothèque. Pourquoi pas, après tout ? Elle cherchait de quoi s'occuper l'esprit. Les livres avaient cet avantage de la distraire quelques heures. Donc elle poussa la porte, et observa l'immensité des rayons. Ça lui ferait un mini-défi pour les prochaines minutes : trouver quelque chose d'intéressant parmi cette invasion de papier.

Ses pas la menèrent rapidement loin des livres explicatifs et autres bouquins politiques. C'était ennuyeux à mourir, parce qu'elle savait déjà tout ce qui se trouvait dans les premiers, et qu'elle ne s'intéressait pas aux ragots des deuxièmes. Le rayon fiction était plus grand qu'elle ne s'y attendait. Tant mieux, ça lui laissait plus de choix, plus de difficulté pour en trouver un intéressant. Elle commença à parcourir les tranches des livres, les titres, excluant d'office ceux qu'elle avait déjà lu. Difficile, cela dit, de savoir ce qui était bien juste en lisant les titres. Avait-elle vraiment le temps d'éplucher toutes les quatrième de couverture ? Sûrement. Elle n'était pas pressée, elle ne l'avait jamais été. Atteindre rapidement quelque chose ne garantissait pas plus de stimulation intellectuelle.

Alors qu'elle fouillait les ouvrages à sa disposition, les sortant un par un pour lire les synopsis, essayer d'en voir un qui éveillerait son intérêt, elle remarqua qu'elle n'était pas seule. Elle repensa à ce qu'elle s'était dit, le jour où elle avait discuté avec Evan après les cours. Qu'être sociable et se rapprocher des autres était l'une des seules choses qu'elle ne maîtrisait pas... Reposant son livre, elle s'approcha, cherchant comment engager une conversation avec un inconnu. Elle n'avait pas la moindre idée de comment on faisait ça.

- Euh... excuse-moi...

Non, ce n'était pas comme ça. Enfin, au moins elle avait attiré son attention, et pour une fois qu'elle n'était pas dans son élément... A vrai dire, elle n'était pas pressée de devenir experte en la matière : tant qu'elle aurait du mal, ça pourrait être intéressant.

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Libre

Bon, de toutes les inconnus possible, elle avait visiblement choisi une personne qui était au moins aussi à l'aise qu'elle pour le contact social. Elle qui voulait des défis, elle en avait tiré un à sa mesure. Elle n'était même pas sûre d'avoir les capacités suffisantes pour réussir à transformer ce duo d'hésitations en véritable conversation. En vérité, elle avait espéré tomber sur quelqu'un qui serait au moins un petit peu plus doué qu'elle, pour pouvoir lancer la conversation et avoir des exemples à retenir sur la manière de le faire, mais le destin avait visiblement décidé de répondre de façon drastique à ses demandes et lui avait donné la plus grosse difficulté qui soit. Parfait.

- Oh non, non. Tu ne... Je n'avais pas d'idée précise en tête en entrant ici.

Commencer avec une des deux personnes qui culpabilise n'était pas une bonne chose, de mémoire, alors il fallait désamorcer tout de suite la possible panique de la jeune fille en face d'elle. Elle espérait que ce qu'elle venait de dire suffirait à calmer la situation et à remettre une base neutre pour une conversation. Bien. Maintenant il lui fallait un sujet, une raison d'être venue lui adresser la parole. Vu qu'elles étaient dans une bibliothèque, le plus simple serait de parler de livres. Mais à quel sujet ? Un des livres qu'elle avait dans la main ? Ou quelque chose de plus général ? C'état un peu bizarre d'aborder quelqu'un pour subitement lui parler d'un livre comme si elle l'avait toujours connue. Alors plus général.

- Je me demandais juste si tu aurais des livres à me conseiller. Je sais pas trop quoi lire.

Elle avait une probabilité élevée de se faire envoyer balader, mais demander de l'aide augmentait normalement les gens de mettre à l'aise la personne à qui on s'adressait. Ça lui donnait une position de confiance, c'était donc une bonne chose à faire avec quelqu'un de timide. Il y avait tellement de variables à prendre en compte dans une conversation : le caractère, l'attitude, le sujet, le contexte. Ça faisait chauffer ses méninges pour la première fois depuis très, très longtemps.

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Libre

Il fallait savoir sortir de sa zone de confort pour avoir des défis. Et la seule chose avec laquelle elle n'était pas spécialement à l'aise, c'était le social. Trouver quelqu'un avec qui communiquer, et avec qui elle réussirait à s'accorder sans le trouver ennuyeux au bout de quelques minutes parce qu'il ne lui disait que des choses qu'elle savait déjà, c'était un exploit. Elle n'avait jamais été très intéressée par les gens, ça ne faisait que rendre ça plus difficile.
Elle aurait aimé dire "donc plus intéressant", mais elle n'en était pas sûre elle-même. Ça dépendait beaucoup trop grandement des personnes qu'elle rencontrait.

Mais elle tait sortie aujourd'hui pour se forcer un peu, alors elle continuerait, même si elle était tombée sur une fille visiblement aussi à l'aise qu'elle avec les interactions sociales. Au moins, elle avait une idée relative d'où commencer. Ce qu'elle aimait lire ? Hm... C'était difficile à définir. Elle avait abandonné les romans policiers parce qu'elle découvrait toujours tout trop vite et que les énigmes avaient perdu leur intérêt quand elle avait environ huit ans, mais pour le reste...

- Un peu de tout. J'aime bien la science-fiction.

Son livre préférée était de la science-fiction, en tout cas. Elle aimait bien la liste de possibilités qu'ils évoquaient, et la perspective qu'un jour, quand on lui en laisserait les moyens, elle pourrait peut-être essayer de développer une de ces inventions. Ou prier pour qu'un de ces mondes inexplorés existe vraiment. Qui sait, peut-être qu'un jour on lui donnera l'occasion d'aller dans l'espace, de s'éloigner de sa planète si banale et si prévisible. Si facile, aussi.

- Hm... J'aimais bien les énigmes mais j'ai tendance à trouver les réponses un peu trop vite et trop facilement.

Pour ne pas dire qu'elle la trouvait souvent dans les premières pages du bouquin. Pourtant les auteurs faisaient souvent de leur mieux, mais les petits indices qu'ils se plaisaient à dissimuler pour la cohérence de leur histoire avaient vite raison du secret et du mystère.

- Je vais tenter quand même, on sait jamais.

Parce que dire "j'ai pas envie de lire ça" n'était pas une bonne approche sociale, en théorie. Ça fermait les possibilités de discussion. C'est du moins ce qu'elle avait compris en faisant des recherches. Après leur début de discussion, sa nouvelle connaissance continua de lui parler de plusieurs livres. Visiblement, elle était tombée sur quelqu'un d'assez passionné, ou en tout cas quelqu'un qui s'intéressait suffisamment à la littérature pour avoir tout un tas de choses à conseiller, jusqu'à certains ouvrages qu'elle n'avait jamais lus mais dont elle avait entendu parler. En soi, Roxanna n'aurait pas pu tomber sur une meilleure personne pour lui conseiller de la lecture. Ni choisir une meilleure question pour engager la conversation. Elle s'en sortait bien.
Malheureusement.
Même ça, ça allait devenir facile ?

- C'est un moyen de passer le temps qui ne m'ennuie pas, en tout cas.

Ou pas trop. Ça dépendait pas mal des livres, c'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle avait arrêté certains styles. Elle se rappela brusquement qu'elle mettrait fin à la conversation si elle ne disait rien de plus, alors elle ajouta :

- Et toi ?

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Libre

Les difficultés étaient moins grandes que ce à quoi elle s'attendait. Que ce qu'elle espérait. Elle aurait aimé avoir plus de mal mais la conversation se faisait toute seule, portée par les livres dont elles parlaient. Ça aurait dû être une bonne chose, oui, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu oppressée. Elle avait vu le social comme l'ultime barrière, une difficulté qu'elle mettrait du temps à surmonter. Et le monde venait la contredire, encore une fois. À quel stade avait-on le droit de s'auto-saboter pour se forcer à échouer ?

- Disons que j'ai des facilités un peu crispantes.

Carrément rageante, même. Un jour, elle en aurait assez de ne trouver de défi nulle part mais pour l'instant, elle s'accrochait de toutes ses forces à celui qui lui restait. Tenir le plus longtemps possible une conversation sans s'ennuyer, sans avoir l'air de s'ennuyer, ou sans ennuyer la personne en face. Sans y mettre fin par absence de retour, aussi, parce qu'elle avait cette tendance et elle l'avait déjà prouvé.

- Oui, je vois ce que tu veux dire... J'aimerais bien être dans ce genre de monde...

Un monde avec des monstres, des surprises, des mystères insolubles, des difficultés, des luttes, n'importe quoi qui la sorte de la monotonie quotidienne d'une enfant trop intelligente pour son âge. Trop intelligente tout court. Peut-être que quand elle serait adulte, le monde lui offrirait plus de défis, plus de mystère, quelque chose à quoi s'accrocher. Pour l'instant, elle ne pouvait qu'espérer trouver un livre qui lui permette d'échapper à la réalité ne serait-ce qu'un instant.

- Beaucoup ? Ah... euh... oui. Je m'ennuie tout le temps, même. C'est difficile de trouver quelque chose intéressant quand tout ce qu'on fait est d'une simplicité opressante...

Les gens jalousaient l'intelligence, mais c'était parce qu'ils étaient stupides. Seul quelqu'un d'idiot pourrait lui envier la vie qu'elle avait actuellement, alors qu'elle-même aurait donné n'importe quoi pour être différente. Pour être normale, avec un cerveau normal et des difficultés à surmonter.

- Quand les gens rêvent d'être plus intelligents, ils n'ont pas conscience des inconvénients que ça implique. L'ennui, la frustration, l'impression que le monde est aussi facile qu'un puzzle de trente pièces pour enfants...

Pourquoi racontait-elle tout ça ? N'était-ce pas un frein assez rapide à une conversation ? Les gens n'aimaient pas entendre les autres se plaindre, pas vrai ? C'était ce qu'elle avait lu, en tout cas. Si on se plaignait trop, surtout de problèmes que les gens ne comprenaient pas ou n'appréhendaient pas, on créait un malaise qui rendait difficile la suite de la conversation. Peut-être était-ce pour ça qu'elle parlait, finalement. Si la conversation devenait difficile, elle pourrait continuer son défi. Au final, quelle que soit la conclusion de cette journée, elle se serait un peu mieux passée que les autres : si cette fille s'en allait, Roxanna aurait un échec à son actif, si elle restait, elle aurait eu son défi du moment.

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Libre

Super douée, surdouée, au fond le terme importait peu. Le fait était que, oui, elle était plus intelligente que les autres et que plus le temps passait, plus ça lui pesait. Chaque seconde, chaque minute, chaque heure, chaque jour. 5207 jours de vie, 125 mille heures, et aucune n'avait eu plus qu'un intérêt relatif voire absent. Elle soupira.

- Partout, ouais. Enfin... presque, on va dire. Il paraît que je suis nulle en social.

Et elle s'accrochait à cette difficulté, à cette possibilité d'échec, avec l'énergie du désespoir. Elle avait envie de rater des choses, de se sentir normale. Mine de rien, dans sa vie, ça ne lui était pas arrivé si souvent que ça. Ça faisait quoi... deux fois ? Une fois avec Timaé, où elle avait enfin eu face à elle quelque chose qu'elle ne réussirait jamais, quoi qu'elle fasse dans ce but, et une fois avec Davian, quand elle avait risqué sa vie dans cette mission et qu'ils avaient failli y passer tous les deux. Mais elle n'était pas assez idiote pour risquer sa vie en permanence à la recherche d'un petit shot d'adrénaline.

Parlant de risque et d'adrénaline, pendant qu'elle se perdait à moitié dans ses pensées, la jeune fille avec elle tentait tant bien que mal de s'emparer d'un ouvrage, qui ne l'entendait pas de cette oreille et qui décida d'embarquer tous ses copains pour se venger de la personne ayant osé essayer de la sortir de son rayonnage. Roxanna écarquilla les yeux en voyant la jeune fille se faire subitement assaillir d'une pluie de livres – l'un d'eux, d'ailleurs, rata sa cible et vint brusquement atterrir sur son épaule avant de s'écraser au sol, et sa main se posa à la zone d'impact, massant le muscle qui avait reçu le choc tandis qu'une grimace se dessinait sur ses traits.

Grimace qu'elle transforma de son mieux en sourire avant de tendre son autre main en direction de sa camarade.

- T'inquiète, j'ai rien. Ou pas grand chose. Ça va, toi ? Avec les livres que tu as pris sur la tête, il va te pousser des cornes.

Sourire. Rire un peu. Essayer de faire de l'humour pour dédramatiser la situation. Que des choses avec lesquelles elle n'était pas foncièrement la fille la plus à l'aise du monde. Mais tant mieux. Les papillons dans son ventre étaient tout ce dont elle avait besoin : la peur de faire quelque chose de travers, la peur de mal réagir, la peur d'échouer. Elle vivait pour cette sensation d'incertitude et ce risque d'affronter une possible erreur.

- Remarque, tu pourrais ressembler au personnage d'un bouquin, ajouta-t-elle en tournant vers elle la couverture du livre qu'elle tenait.

Sur l'image, une jeune fille avec deux petites cornes de chaque côté de la tête faisait office d'illustration du personnage principal. C'était dans le thème, au moins.

4 Oct
2019

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Libre

Un point sur lequel s'améliorer, oui. Au fond, cette fille avait presque compris une partie de sa mentalité, ce qui était assez rare pour être souligné. Les gens se contentaient souvent de se dire que l'intelligence était un cadeau et qu'elle avait de la chance d'être surdouée. Ou, pire, qu'elle se vantait dès qu'elle en faisait la remarque. Cette fille n'avait rien fait de tout ça. Est-ce pour ça qu'elle ressentit une pointe de regret en voyant le regret en voyant le regard qu'elle eut après sa tentative maladroite de détendre la situation ? Cet échec avait un goût différent du premier qu'elle avait expérimenté.

- Bizarre ?

Pendant qu'elle essayait de remettre la situation sur les rails et de comprendre sur quel point elle avait fait une erreur, un procédé de réflexion qui s'engageait toujours bien malgré elle pour la forcer à réussir là où les autres échouaient – ou, en l'occurrence, là où elle échouait – sa nouvelle connaissance avait entrepris de ranger les livres qui leur étaient tombés sur la tête. Roxanna resta un instant silencieuse, attendant que tous les livres soient reposés sur l'étagère avant de pencher un peu la tête sur le côté.

- C'est le personnage principal. Les protagonistes ne sont jamais des monstres.

Bon, ça n'était pas exactement vrai, certains auteurs aimaient écrire du point de vue d'un personnage méchant ou détestable, mais c'était quand même plus rare que l'inverse. Ça arrivait par contre plus régulièrement que le personnage principal en question se considère comme un monstre. Est-ce que c'était le cas de la fille devant elle ? Ou bien elle associait peut-être naturellement les cornes aux démons. Mais elle n'était pas méchante, alors pourquoi se serait-elle comparée à un démon ? Il y avait d'autre types de créatures fantastiques qui avaient des cornes sur la tête, surtout d'aussi petites.
Bon, au fond, c'était surtout qu'elle n'était pas douée pour les blagues. Elle aurait sans doute mieux fait de s'en passer.

- Enfin bon... C'était juste une blague, désolée.

Elle avait dit elle-même qu'elle n'était pas douée en social, alors ça devrait réparer son erreur, non ? Et est-ce que c'était égoïste qu'une part d'elle-même soit contente de l'avoir faite ? Une erreur, ce n'était pas vraiment dans son quotidien. Trébucher sur le chemin d'une nouvelle compétence, c'était inédit. Et ça lui faisait du bien, malgré le remord d'avoir peut-être fait du mal à quelqu'un d'autre.

4 Oct
2019

Certains mondes sont de papier et d'encre

Libre

Eh bien, elle commençait à expérimenter les étapes de l'apprentissage normal. Hésiter, échouer, ne pas savoir. Ce n'était pas aussi puissant que son premier échec, mais c'était toujours mieux que la frustration incessante de la réussite. Bon, le problème du social, c'est que ses échecs avaient tendance à risquer de blesser les autres, comme maintenant. Et même si elle n'était pas spécialement douée avec les émotions des autres, elle n'avait aucune envie de faire du mal à qui que ce soit. Elle ne s'attendait pas à ce que ce commentaire la blesse. Elle ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose mais se ravisa. Ce n'était sans doute pas une bonne idée de la contredire sur le fait qu'avoir des cornes ne faisait pas du personnage un monstre. Elle l'avait déjà vexée, ce n'était pas la peine de risquer d'en rajouter.
Ah, voilà qu'elle commençait à comprendre les schémas de conversation... Elle soupira intérieurement.

Elle commençait aussi à saisir comment elle avait pu la blesser avec cette simple blague. Roxanna n'était pas aussi facile à atteindre, mais elle savait que les gens avaient aussi tendance à se moquer d'elle, comme ses filles qui l'avaient poussée à parler à Timaé en sachant très bien qu'elle se prendrait un râteau. Bon, elles avaient un peu perdu à leur jeu vu qu'elles lui avaient indirectement fourni quelque chose dont elle avait rêvé toute sa vie, mais la plupart des gens n'arrivaient pas à suivre sa façon de penser. Une part d'elle savourait cependant encore leur expression ahurie quand elles l'avaient vu sourire toute la semaine qui avait suivi.

- D'accord. Pardon.

Inutile d'en dire plus, si ? Au moins, elle reconnaissait qu'elle avait compris et qu'elle était consciente d'avoir blessé la jeune fille. Après, c'était à elle de voir si elle acceptait et accordait de la valeur à ses excuses, elle ne pouvait pas lui imposer. Le sujet finit par revenir à leur conversation d'origine et Roxanna hésita. Son regard se perdit un instant, détaillant les traits et l'expression de l'adolescente face à elle pour essayer de décrypter ses émotions. Elle avait l'air mal à l'aise et pressée de partir, pour être tout à fait honnête, et elle n'avait pas envie de la retenir contre son gré. Et puis, elle-même avait fait son lot d'efforts en social pour la journée. La conversation avait eu le mérite d'être intéressante, donc elle ne s'était pas retrouvée face à son ennui habituel dans ce genre de situation, mais ça n'était pas sa passion pour autant.

- Hm... Non, c'est bon, je vais essayer de lire ceux dont tu m'as parlé. merci pour ton aide.

Elle afficha un petit sourire. Avec cette phrase, elle lui offrait une échappatoire et une façon simple de s'en aller sans fuir. C'était comme ça qu'on faisait, non ?