[2019] L'Encre est le sang d'une page.

À
la réponse de Thomas, Charlie pencha la tête sur le côté en détaillant le dé qu’il avait sorti. Il ressemblait à un cube bien ordinaire. Peut-être avait-il une fonction cachée ou bien un code secret ? L’imagination de la jeune fille était en pleine ébullition, créant des scénarios plus improbables les uns des autres. Revenant à la réalité, elle lança avec enthousiasme :

▬ Oh oui, c’est bien la magie ! J’adore ça aussi. Est-ce que tu connais des tours ? Si oui, pourrais-tu m’en montrer un ?

Elle espérait qu’il dise oui, poussée par une profonde curiosité. Charlie n’en avait jamais vue en vrai, toujours des reprises à la télévision ou bien lors de compétition de talents variés. Étant naïve de nature, elle y croyait dur comme fer. Son frère la taquinait souvent en lui dévoilant le secret, mais à son avis c’était réellement de la magie. Perdue dans ses pensées, encore une fois, elle ne remarqua pas que Thomas rangea l’objet de tant de réflexion dans sa poche. Lorsqu’il continua sur un sujet différent, elle hocha la tête en souriant :

▬ Tu as raison. Beaucoup de domaines concernent l'art, mais c'est propre à chacun de nous puisque c'est une chose qui fait appel aux sens, à l'émotion, mais aussi au vécu et à notre personnalité. C'est se montrer corps et âme, qui et ce que nous sommes réellement.

Elle marqua un temps d’arrêt, méditant sur ce qu’elle venait de dire. Elle continua en disant :

▬ As-tu une pièce de théâtre, un film ou bien un artiste favori ?

C
harlie remarqua l’expression lunatique de son compagnon, espérant que tout allait bien et qu’elle n’avait pas dit quelque chose de déplacée. Heureusement, il lui répondit après avoir réfléchi à sa question. La jeune fille chercha dans sa mémoire si elle avait déjà entendu ce nom ou ce titre auparavant, mais rien ne lui venait à l’esprit. Il fallait bien avouer qu’elle ne portait pas grand attention à se créer une culture général acceptable, préférant plutôt se laisser porter par sa curiosité sporadique. Elle se promit toutefois de faire des recherches sur le sujet un peu plus tard, si elle arrivait à s’en rappeler.

Alors qu’un moment de silence s’étira entre eux, Charlie pu à nouveau constaté à quel point il était mignon. Elle avait envie de lui enlever ce cache-œil qui cachait une partie de son visage. Thomas eu comme un léger soubresaut, comme s’il avait pressentit ses intentions et lui retourna la demande. Prenant un moment pour méditer sur une potentielle réponse, la jeune fille fini par dire :

▬ C’est une bonne question. Il y a trop de choses qui me viennent en tête, c’est impossible pour moi de choisir. J’aime pas mal tout.

Poussant un lourd soupir, elle s’étira en tendant ses bras très haut au-dessus de sa tête. Savourant ce moment de détente, elle reprit en souriant :

▬ Dit-moi, est-ce vraiment pour les raisons que tu m’as dit un peu plus tôt que tu gardes ce cache-œil ? Je me dis que ça ne doit pas être très bon pour tes yeux non ? Moi si je bloque ma vue comme ça durant un moment, après je vois tout embrouillée.

D
evant la réaction de Thomas à sa simple question, Charlie resta stupéfaite. Elle ne s’attendait pas à cela du tout et dans un mouvement désespérée essaya de le retenir. Voyant qu’il ne souhaitait pas être touchée, la jeune fille leva ses mains bien en évidence et lui dit doucement :

▬ Eh, ne t’inquiète pas je n’ai pas l’intention de te l’enlever de force ! Je me posais simplement la question, voilà tout ! Pas besoin de paniquée, je suis ton amie.

Lorsqu’il lui répondit d’un ton plus sec qu’il ne l’enlevait que lorsqu’il était seule, la jeune fille eu envie de lui répliquer qu’il l’avait fait à peine quelques minutes plus tôt alors qu’il y avait plein de gens autour. Soupirant, elle secoua la tête en se demandant ce qui pouvait bien pousser le garçon à un tel comportement. Il allait très bien une seconde à peine de cela ! Alors que son corps chuta sur le côté, son crâne heurta le plancher. Grimaçant de douleur pour lui, la jeune fille s’approcha de Thomas à quatre pattes :  

▬ Attention ! Est-ce que tu vas bien ? Oh non, tu es blessé…

Ne sachant comment réagir, devant la blessure du jeune garçon, Charlie chercha des yeux quelque chose pour éponger le sang. D’un rapide coup d’œil circulaire, elle trouva une boite à mouchoir posé sur une des tables basses à la disposition des étudiants. Revenant vers lui, elle s’agenouilla devant lui et enchaîna sur le ton de reproche qu’on les enfants lorsqu’ils rouspètent :

▬ C’est dangereux tu sais, tu aurais pu te faire vraiment vraiment mal. Tu dois faire plus attention à toi, il ne faut pas se laisser tomber sur le sol comme ça.

Apposant un gros paquet de tissus sur la tête de Thomas, Charlie essayait maladroitement de l’aider. Se faisant, trop absorbé dans son rôle d’infirmière, elle ne réalisait pas sa proximité et le fait que son corps était terriblement près du sien.

P
our la énième fois de cette soirée, la jeune fille resta interloquée. Non vraiment, la réaction de ce jeune homme était une totale incompréhension pour elle. Ne sachant quoi répondre pour le retenir, ignorant même la cause de sa fuite, elle reste immobile à le fixer de ce regard ébahi. Un millier de questions se bousculaient dans sa tête, mais aucune ne franchi le seuil de ses lèvres, pourtant entrouverte sous le coup de la surprise.

Prenant finalement conscience qu’elle devait dire ou faire quelque chose, Charlie se redressa et émit une faible protestation. Elle voulait lui dire qu’il la fuyait pour un problème imaginaire. Elle voulait qu’il comprenne que jamais elle n’avait eu l’intention de lui retirer son cache-œil. Elle voulait surtout savoir si ça blessure n’était pas trop grave. Les mouchoirs imprégnés de sang toujours ancré dans sa main, la jeune fille ne savait pas comment réagir. Pourtant, elle croyait fermement l’aider.

Alors qu’il traversa la pièce, ne s’arrêtant que pour lui lancer un timide « bonne nuit » elle n’a pas le temps de lui répondre que déjà il a disparu à l’angle du couloir. Assise sur le sol, l’ai hagard et plus confuse que jamais, elle reste un long moment silencieuse. Finalement, Charlie jeta le papier souillé dans une corbeille à proximité et se réinstalla sur un des fauteuils à disposition. Ramenant ses jambes sous elle, elle entreprit d’écrire dans son journal chaque détail de sa rencontre pour le moins inusité avec Thomas. La jeune fille ignorait si elle allait le revoir. Un petit sourire étira ses lèvres. Elle espérait bien que oui.