Deux sales gosses sur un château de sable [Kaylee]

15 Octobre
2017

Deux sales gosses sur un château de sable

Alix Scarønson
Kaylee Mackenzie

L'école. La famille. Les amis. Plus rien n'avait d'importance dans le monde pourri où on l'avait propulsé. Enfermé à l'IRS, privé de libertés, réprimé pour un crime qu'il n'avait pas commis, interdit de contact avec la quasi-totalité de ses amis, lui qui s'entendait mieux avec les filles. Il n'avait pas eu le courage d'aller voir Hannah, se cachant derrière son interdiction de traverser son district pour ne pas admettre qu'il avait trop peur de sa réaction. Peur d'être l'un des hypocrites qu'elle avait mentionnés à leur première rencontre. L'année dernière, à cette période, le monde lui souriait encore : il avait quitté les Potion pour se consacrer à sa passion pour la chimie, il était encore avec elle, il vivait une liberté certes encore fragile, encore surveillée, mais quasiment complète. Et aujourd'hui il en était là.

Ça ne l'avait pas empêché de se laisser entraîner. Il avait retrouvé d'anciens camarades de classes, avec ce retour aux sources. On avait essayé de tirer de lui le Alix fêtard qui était entré à l'IRS deux ans plus tôt et que l'injustice du monde avait entrepris d'écraser à grand coups de pelles. Il n'avait pas envie de s'amuser, il avait envie de corriger les injustices. Il ne pouvait pas faire changer son jugement, un seul autre choix s'offrait à lui : le justifier. Enfreindre les règles, oui, il s'y était évertué depuis qu'on l'avait assigné à résidence. C'est pour ça qu'il avait accepté d'aller à cette soirée, pour briser des règles. Amener de l'alcool, en boire - évidemment - casser une des caméras de la résidence qui accueillait la fête. Qu'allaient-ils lui faire, de toute façon ? L'envoyer en Forge ?

Oui, il se fichait de tout ça. Mais l'école s'était ramollie. L'IRS n'avait plus l'insouciance de son époque, l'ISS n'avait pas beaucoup changé, ou alors il était allée à la pire fête clandestine du monde. le nouveau système de sécurité les effrayait-il dans que ça ? Presque tous les IRS étaient déjà partis quand approcha l'heure de leur couvre-feu, sauf quelques-uns qui espéraient sans doute passer à travers les mailles du filet à ISS.
Il avait eu la satisfaction de reconnaître Kaylee dans ceux qui étaient restés. Ils avaient passé quelques moments ensembles pendant la soirée, quand il voletait d'un groupe à l'autre au rythme de ses verres et de la musique. Au moins tout n'avait pas changé : certains ISS avaient encore un peu de caractère. Il finit par aller la voir pendant que les autres ISS et les derniers survivants de son école entreprenaient de ranger. Oui, le couvre-feu des bons élèves était dans vingt minutes, oh la la, ils ne devaient absolument pas arriver trop tard.
Alix leva les yeux au ciel. Il n'avait pas envie de rentrer, et il les trouvait pitoyables.

- Hey, Kaylee !

Il s'installa à côté d'elle avec son verre sous le regard désapprobateur de l'organisateur de la soirée, qui semblait lui en vouloir de ne pas participer au rangement. Il se contenta de l'ignorer. Il n'en avait rien à foutre, de ce type même pas capable d'enfreindre une petite règle pour laisser les autres s'éclater. Qui terminait une fête à 23h, sérieusement ? C'était le moment où les choses commençaient à être intéressantes.

- Regarde-moi ces chiots obéissants. T'as envie de rentrer toi ? On commence à peine à s'amuser.

Il soupira de manière théâtrale, prenant une gorgée de son verre presque vide. Non, décidément, il n'avait pas envie de rentrer. Il voulait passer du temps avec ses potes et adresser un gros doigt d'honneur à toute cette école de lâche du haut d'un toit, pour leur montrer à tous ce que c'était vraiment d'être un IRS.

- Tu sais quoi ? Moi je pense qu'il faut prolonger la fête, pas question que je rentre me coucher avec les poules.

Les gens commençaient à sortir, pour rentrer se cacher dans leur chambre comme les gentils toutous qu'ils étaient. Il s'étira longuement après avoir terminé son verre, qu'il finit par reposer sur la table au lieu de le balancer par terre comme il en avait eu l'intention. Il voulait sortir en ville, foutre un peu le bordel, passer la nuit dehors, s'éclater avec une amie qu'il n'avait que trop perdue de vue avec toutes ces règles stupides. Qui l'arrêterait ? Personne n'avait jamais réussi à l'empêcher de jouer au poker clandestinement, c'était du gâteau à côté.

- Tu viens en ville avec moi ? Qu'on secoue un peu tout ces gens bien endormis dans leur grande maison et leur bonheur.

15 Octobre
2017

Deux sales gosses sur un château de sable

Alix Scarønson
Kaylee Mackenzie

- Tu rigoles, la soirée vient à peine de commencer ! C’est hors de question de rentrer maintenant !

Alix ne pouvait qu'approuver, et il répondit par un geste de la main qui voulait globalement dire "m'en parle pas, ils me soûlent tous". Il aurait donné n'importe quoi pour être à Stavanger – même s'il s'ennuyait un peu à l'époque, il avait moins de problèmes sur le dos – ou même en Irlande. Il serait sûrement bien différent s'il avait continué de grandir dans un de ces endroits. Peut-être moins fou, peut-être moins je-m'en-foutiste.

Elle semblait en tout cas approuver sa petite virée nocturne. Il n'avait pas spécialement d'idée de ce qu'ils pourraient y faire, mais l'avantage d'être deux sales gosses, c'est qu'on finissait toujours par développer une imagination collective. N'importe quoi conviendrait. Et quand sa propre imagination lui faisait défaut, il savait qu'il pouvait compter sur celle de Kaylee ; elle ne tarda pas à le lui prouver et il ricana. Jeter des pierres ? C'était bien elle, ça, de commencer direct par tout casser. Mais ça lui allait. De toute façon, c'était pas comme si on pouvait vraiment le punir plus que ce qu'il n'était déjà, autant le justifier d'une façon ou d'une autre.

- J'en pense que tu es un génie démoniaque et que je suis content d'être tombé sur toi ce soir. Enfin, un génie démoniaque avec de la compassion, mais bon c'est à cause des gens blindés que je suis coincé du côté grillagé de l'école, je ferais avec tes états d'âmes.

Il afficha un petit sourire machiavélique. C'était l'une des rares personnes à l'ISS qui ne l'ennuyait pas à mourir, autant profiter de pouvoir passer du temps avec elle. Direction la ville, donc. Programme décidé, il se dirigea vers la porte d'un air nonchalant, se mêlant à un petit groupe qui rentrait se coucher – bon, il les dépassait tous d'une tête donc il passait mal inaperçu, mais c'était juste pour faire semblant d'être "sage", au cas où l'organisateur de la soirée se ferait choper et déciderait de balancer tous ceux qui n'étaient pas rentrés avant le couvre-feu.

Seul problème : réussir à choper un bus vers des parties plus intéressantes de la ville sans se faire attraper avant, alors même que le poste de sécurité était assez proche du portail et, donc, de l'arrêt. Sans compter que les portes étaient sûrement déjà verrouillées, ou gardées, vu que le couvre-feu était proche. Difficile d'être discret... À moins que...

- Il nous faut un moyen discret pour sortir. Il doit y avoir des agents de sécurité près du portail qui mène à l'arrêt de bus. Je peux te faire la courte échelle pour passer au-dessus du mur de ton école, mais il faut traverser le parc.

Le mur de l'ISS mesurait à peine 1m60 – rien d'étonnant, la plupart des élèves là-bas n'essayaient pas de s'enfuir. Le parc restait un obstacle difficilement franchissable, avec ses foutues lampes automatiques. Il restait une solution, que la voix de la raison, celle qu'il étouffait depuis qu'il avait été retransféré à l'IRS, lui soufflait d'oublier. Il ne l'écouta pas. Il avait décider de ne plus prêter attention à cette stupide conscience, qui ne lui avait rien apporté de bon de toute manière.

- Sinon... si on arrive à atteindre le parking, on peut gérer.

Jamais cette idée ne lui serait venue à l'esprit dans son ancienne vie. Il n'avait jamais conduit, jamais volé non plus, mais il connaissait la théorie pour les deux. Une virée en ville serait plus simple et plus amusante avec une voiture, en plus – il aurait bien piqué une moto mais il ne tenait pas à faire la désagréable expérience de la chute. Il n'était pas assez bourré pour s'y essayer. Il afficha une expression narquoise tout en sachant déjà d'avance quelle serait sa réaction :

- Sauf si tu as trop peur d'enfreindre les règles, évidemment. On tentera le bus.

La voiture laissait un problème majeur : il fallait qu'ils en trouvent une avec la télécommande du parking, ou des vitres teintées éventuellement s'ils chopaient la voiture d'un prof. À moins de le défoncer, mais fallait faire le bon choix de véhicule, dans ce cas.
Pour le bus, comme ils n'avaient pas d'uniforme, ils pouvaient éventuellement marcher jusqu'à l'arrêt suivant, pas si loin que ça, et passer inaperçue. Il fallait réussi à sortir avant, mais l’ingéniosité n'était pas un problème.

15 Octobre
2017

Deux sales gosses sur un château de sable

Alix Scarønson
Kaylee Mackenzie

C'était exactement d'une compagnie comme ça qu'il avait besoin : quelqu'un de fun, sans prise de tête avec des choses comme le règlement et qui se fichait complètement d'enfreindre les règles. Ça le changeait de la populace habituelle de l'ISS, comme quoi tous les uniformes rouges n'étaient pas bons à jeter.

- Je veux bien croire la première partie, beaucoup moins la deuxième.

Sauver les pauvres ? Tu parles, il ne l'avait jamais vue donner quoi que ce soit ou aider quelqu'un pendant tout le temps où ils étaient dans la même classe. Mais c'était très bien d'essayer d'y croire. Tandis qu'ils se mêlaient aux moutons, Alix réussit à récupérer une bouteille d'alcool près de la porte et la glissa dans son manteau. Un peu de réserves pour survivre à la nuit.

- C'est bien pour ça que t'es ma pote. Loin des trouillards bien sages d'Indarë. C'est à se demander comment la moitié a fini à l'IRS.

Quelle que soit l'école, ils étaient tous pareils. Trop peur d'enfreindre les règles et de se faire gronder par la grande directrice. Pseudo-rebelles qui se carapataient à la première difficulté. Leur seule utilité était bien celle de servir de diversion. Direction le parking pour essayer de trouver une voiture pour leurs conneries.

- On en trouvera bien une avec une fenêtre entrouverte ou quelque chose du genre. Sinon... on n'a qu'à péter la vitre d'une voiture de riche, ça leur coûtera pas cher à réparer.

Il haussa les épaules. Au pire, que ça coûte cher ou non, il s'en fichait un peu. Il ne savait pas crocheter une serrure, mais il gérait l'électricité, donc il pourrait facilement assurer le démarrage une fois à l'intérieur.

- En route.

Plus qu'à espérer que le parking n'était pas surveillé. En théorie, il ne l'était pas : le poste de sécurité principal était proche, et les surveillants comptaient un peu trop sur leur sacro-sainte lumière. Il préféra quand même remonter sa capuche sur sa tête pour masquer son visage, au cas où il y aurait des caméras.

- Il nous en faut une avec une télécommande de portail. Sinon on va être obligés de taper dans la barrière, et ça serait dommage de casser la voiture avant d'être dehors. Tu veux un truc à boire le temps qu'on trouve.

Il sortit la bouteille de sa poche pour prendre une gorgée puis la tendre vers elle, pendant qu'il se penchait vers les fenêtres en essayant de repérer une télécommande.

- Je m'occuperai du démarrage dès qu'on aura trouvé une voiture.

À eux deux, ils s'en sortiraient bien.

15 Octobre
2017

Deux sales gosses sur un château de sable

Alix Scarønson
Kaylee Mackenzie

Terriblement dramatique, comme toujours. Elle aurait sans doute eu de l'avenir dans le théâtre si elle n'avait pas eu un tel talent pour les sciences. Mais elle était comme lui : un danger public qui aurait beaucoup manqué au monde scientifique si elle s'en détachait. Pour l'instant, l'avenir était très loin d'être leur priorité ; le côté catastrophe était nettement plus motivé.

- Heureusement pour nous, les gens ne sont pas tous très intelligents dans cette école.

Bon, il y avait déjà un défi supplémentaire parce qu'il fallait trouver un adulte pas très intelligent qui laisse une fenêtre ouverte et une télécommande visible, mais avec l'état de la sécurité officielle de l'école, c'était tout à fait possible. Malheureusement, ils n'eurent pas cette chance, ou Kaylee manquait de patience - ou les deux. Pendant qu'elle cassait la vitre, il récupéra un tournevis dans un poste de maintenance. Ça servirait plus tard.

- "Ouverte" est un bien grand mot, mais on va pas s'embarrasser de détails.

Il s'installa dans la voiture avec un petit sourire satisfait. Bien, ils avaient leur transport et leur porte de sortie. Plus qu'à démarrer.

- Je m'en charge.

Il avait deux solutions : bidouiller les câbles, ou forcer le contact. Il tenta malgré tout la boîte à gant, les vide-poche et les pare-soleil mais, bien évidemment comme on était pas dans un film, il ne trouva rien d'autre que la carte grise – pratique quand même – une feuille froissée inutile et une boîte de lunettes vide. Bon, il n'avait plus le choix. Il s'excusa mentalement auprès du propriétaire de la voiture vu qu'il n'avait pas le moyen de faire ça sans la péter. Il retourna à la voiture pour bidouiller directement la serrure du démarreur. Point positif : le gars pourrait toujours utiliser sa bagnole. Point négatif : n'importe qui pourrait le faire avec juste un tournevis. Enfin c'était sûrement mieux que de faire sauter la colonne de direction ou d'ouvrir le volant. Plus rapide et avec plus de certitude que la voiture ferait plus de trois mètres.

- Petite question : tu sais conduire ? Je peux me débrouiller mais si jamais tu as pris des cours...

Même si, vu qu'elle pouvait boire plus que lui, épilepsie oblige, c'était sans doute dangereux. Mais quelqu'un qui ne sait pas conduire l'était sûrement aussi. Enfin, peu importe : ils ne tuaient personne. Et quitte à être vu comme un criminel, autant l'être jusqu'au bout.

- On y va ?

Ils avaient toute la nuit devant eux.

15 Octobre
2017

Deux sales gosses sur un château de sable

Alix Scarønson
Kaylee Mackenzie

Finalement, une fois la voiture démarrée, c'est Kaylee qui finit par prendre le volant. Il n'allait pas s'en plaindre : d'abord, c'était lui qui avait proposé, et puis ça lui laissait le temps de fouiller un peu dans la voiture pour voir peut-être à qui elle appartenait ou si son malchanceux propriétaire avait des choses intéressantes à l'intérieur. Au point où il en était...

En fouinant un peu dans la boîte à gants et les vide-poches pendant que Kaylee sortait la voiture du parking, il finit par dénicher un paquet de bonbons à peine entamé et une boîte de biscuits pas encore ouverte. Eh bah voilà, ça leur ferait un truc à grignoter pendant leur virée nocturne. Il tendit le paquet ouvert vers Kaylee.

- T'en veux ?

Le sucre réduisait les effets de l'alcool, donc il allait quand même en prendre quelques uns pour éviter de mettre son épilepsie dans la balance – ça serait dommage de couper court à la soirée à cause d'une crise. Même si bon, ses connaissances en biochimie étaient franchement trop rudimentaires pour qu'il sache si le sucre avait vraiment des chances de protéger son cerveau contre les crises dues à l'alcool. Probablement pas, mais tant pis, au pire Kaylee saurait quoi faire, elle était en Gifted pour ça, non ?

Ils finirent par trouver un coin bien caillouteux pour récupérer des munitions – et les utiliser aussitôt.

- Merci de ta considération.

Il ricana en se penchant pour ramasser des cailloux. Il n'en avait rien à foutre, au final, de savoir si ces gens étaient riches ou pauvres, s'ils allaient se ruiner pour réparer les dégâts. Tous ces gens bien au chaud chez eux alors qu'il était coincé dans une résidence surveillée avec des caméras pointées sur sa tronche en permanence. Pourquoi aurait-il pitié d'eux ? Aucun d'entre eux n'en aurait eu pour lui, s'ils avaient été présents à son procès. Ce n'était que des vitres, ils n'allaient pas en faire tout un plat.

Se joignant à Kaylee, il envoya à son tour des cailloux dans les fenêtres – certains un peu plus fort qu'il n'en avait eu l'intention. Des petits impacts se formèrent sur le verre, quand ils ne choisissaient pas des pierres assez grosses pour le casser purement et simplement. Kaylee riait comme une enfant en train de jouer et ça ne tarda pas à être communicatif. Il regrettait presque de ne pas avoir gardé son uniforme, histoire de bien plomber la réputation de cette putain d'école. Voir les gens en parler comme les sains protecteurs des adolescents lui tapait franchement sur les nerfs.
Personne ne l'avait protégé, lui.

Un aboiement l'arrêta dans son geste alors qu'il s'apprêtait à lancer un gros caillou sur une baie vitrée. De l'autre côté, un énorme chien le fixait, les babines retroussées et l'air prêt à sauter à travers la fenêtre s'il faisait l'erreur de la briser. Alix lui adressa un grand sourire avant de ranger le caillou dans sa poche pour aller viser une autre maison. Tant qu'à faire, autant éviter de finir la petite première phase avec des trous dans la jambes, quand même.

- Yen a pas un qui a une alarme, dans le coin ? Faudrait peut-être qu'on se barre au cas où un de ces idiots aurait un truc silencieux.

Se faire arrêter par les flics maintenant ? Non, quand même, c'était beaucoup trop tôt, ils n'avaient même pas commencé à s'amuser !