Un monde de possibilités [Yuri]

D’une extrême douceur, la jeune femme calée contre moi me rassura : pour elle, je n’avais pas à m’excuser. Un murmure qui me détendit un peu plus parce qu’elle ne m’en voulait pas pour toutes ces fois où je l’avais envoyée paître ou toutes les paroles horribles que j’avais pu lui dire. Cela ne m’enlevait pas toute la culpabilité que j’avais, mais au moins une partie. Elle aussi était détendue dans mes bras. J’avais ressentis sa crispation quand j’avais bougé. Mais, malgré ma surprise et mon incompréhension, je ne lui avais rien demandé. Cela n’aurait servi à rien sachant que cela était passé. Puis, comme nous venions d’arriver à l’école, je doutais qu’on puisse s’en prendre à elle. Nous ne connaissions personne à par Nick qui allait s’évertuer à la protéger également. Je finis donc par mettre cela sur le compte de la peur pour moi. Après les spectacles que je lui avais montré, cela n’était pas étonnant au final.

Lorsque je lui eus dit à quel point je tenais à elle, je la sentis se blottir un peu plus contre moi. Mon coeur manqua un battement, mais reprit de plus belle sa course folle. Cela lui avait-il fait plaisir ? Je pensais que oui, mais je ne pouvais savoir à quel point. Je ne pouvais pas voir son visage de cette façon, donc son expression m’échappait totalement. Je n’eus pas vraiment le coeur de la décaler pour pouvoir avoir accès à son visage. Alors, je la serrai un peu plus contre moi sans l’étouffer, sans lui faire mal. Juste pour lui montrer qu’elle pouvait rester contre moi jusqu’à ce que je doive m’en aller. Elle aussi me serrait. Je pensai que c’était pour les mêmes raisons que moi, mais je n’en étais pas totalement sûr. Après tout, cela aurait pu être pour simplement me soutenir face à ce que je lui avais révélé.

Sa voix légèrement étouffée s’éleva doucement. Cela, pour qu’elle puisse me dire qu’elle aussi tenait beaucoup à moi, que mes mots lui faisaient plaisir pour cela. Des mots qui me firent extrêmement étrange. Cela faisait combien de temps qu’on ne m’avait pas dit cela sans que ce soit dit en tant que “Faucheur” ? Bien trop longtemps. Même si Haley avait pu me le dire quelques fois, je ne me sentais pas de le compter puisqu’elle était partie sans me laisser de quoi la contacter. Puis, cela faisait bien trop longtemps, beaucoup trop longtemps pour que je m’en rappelle avec justesse en tous les cas. Et l’autre personne qui l’aurait fait, c’était ma mère. En y pensant, je me rendis compte qu’en fait, toutes les personnes m’ayant dit des mots semblables par le passé avaient toutes disparues de ma vie.

Plus fortement, sans faire attention comme plus tôt, je la serrai plus fortement contre moi en portant une de mes mains dans sa douce chevelure brune. Les yeux fermés, je posai mes lèvres sur le sommet de sa tête, les sourcils froncés par la peine, et je laissai une larme parcourir lentement ma peau alors que je retenais ma respiration un moment. Lorsque je fus obligé de reprendre ma respiration, ce fut difficilement que je le fis. Cela pouvait s’entendre dans le souffle qui était comme entrecoupé lorsque j’inspirais. En fait, je me retenais de pleurer pour ne pas briser le cocon dans lequel nous étions. Mais je ne voulais pas qu’elle disparaisse de ma vie. Cela n’avait normalement aucune chance avec ce que nous avions vécu, mais je ne pouvais m’empêcher de constater qu’il y avait tout de même cette possibilité qui existait. C’était horrible comme sentiment...

Loin de me repousser ou me faire une quelconque remarque, ce qui aurait été étrange de sa part, elle me garda dans ses bras. Je ne savais pas pourquoi cette idée qu’elle puisse me rejeter m’avait traversé le temps d’une seconde, telle une peur totalement absurde. Parce que j’étais lourd à pleurer autant ? Que je ressemblais à une mauviette ? J’espérais vraiment que ce n’était pas l’image que je donnais aux autres. Seulement, je ne parvenais pas à garder mon aplomb. J’étais perdu et désorienté. Même si j’étais entouré des jumeaux, je ne voulais pas les empêcher de vivre leur vie à cause de mes maux et douleurs. Il fallait que je me reprenne, chose difficile alors que je n’avais rien en commun avec toutes les personnes présentes au sein de cette académie. C’était ainsi que je voyais les choses. Pourtant, elle était près de moi, elle me gardait dans ses bras et me murmurait des paroles rassurantes. Je ne méritais pas tout ça…

Très progressivement, je parvins à me calmer comme je l’avais fait aux Etats-Unis, face à Holly Ballentine, la mère de Ellia. Je restai encore quelques instants la tête sur l’épaule de mon amie avant de me relever doucement. Je regardai ses beaux yeux bleus en cherchant mes mots, réfléchissant à beaucoup d’idées et faits en même temps. Pourquoi n’avais-je pas profité plus tôt de ces deux joyaux ? … Parce que j’étais bête, comme pour beaucoup d’autres choses. Alors, sans la lâcher des yeux, mes mains tenant doucement ses épaules, et je lui dis avec honte, penaud :

- Désolé de toujours me montrer sous un aussi mauvais jour. Mais à chaque fois que j’en parle je n’arrive pas à rester calme. Pourtant, j’aimerais pouvoir en discuter sans me briser à chaque fois.

Doucement, je me mordis la lèvre inférieure en détournant un peu mon regard. Là, je me détachai d’elle pour m’asseoir comme avant ma crise de larme en lui tenant toujours une main dans la mienne. Puis, doucement, je marmonnais comme pour moi-même :

- Je dois être vachement pathétique…

Je ne savais pas ce qu’elle en pensait. Je me rappelais assez bien de ce que Holly m’avait dit la nuit de mon arrivée dans le Connecticut : on ne guérissait pas en un jour. Mais cela faisait combien de temps, maintenant ? Plusieurs mois, non ? Et même si ma double personnalité se faisait pratiquement inexistante depuis quelques temps, mon passé restait une présence, une nuisance, que je ne pouvais pas lâcher ou utiliser pour aider les autres. Quoique… à quoi pouvait-il servir ? En quoi pouvait-il aider quoi que ce soit, à part pour dire aux autres que leur vie était un rêve qui m’avait été inaccessible depuis le jour de ma naissance ? En fait, tout ce que je voyais désormais, c’était que je ne connaissais rien aux jeux, livres, films, mangas, animés, sports ou autres choses qui faisaient les conversations du commun des mortels. Je n’avais pas non plus d’activité comme Ellia avait le hand. Le début de cette nouvelle vie paraissait tellement vide…