La vengeance des Ballentine [Rp solo]

Certaines choses étaient intolérables, quand on s'appelait Ballentine. Parmi celles-ci, l'une d'elle avait fait l'ultime erreur d'arriver récemment. Quelqu'un s'en était pris à sa sœur. Quelqu'un qui allait douloureusement le regretter.
Nick errait dans les couloirs du lycée, faisant rebondir une balle de tennis dans sa main encore et encore, regardant autour de lui. Il cherchait quelqu'un. Une personne bien précise. Alors il tendit l'oreille. Écouta les bruits de couloirs. Il lui fallait juste un nom, le nom du type qui avait été assez idiot pour coincer sa sœur dans un couloir et essayer de la blesser. "Eh, il paraît qu'Akiro Sakamoto s'est fait casser la gueule, hier. Il était dans un sale état. Nick tourna un regard intéressé vers ceux qui venaient de parler. Chercha rapidement le nom sur son téléphone. Envoya la première image qu'il trouva à Ellia.
Un sourire carnassier étira ses lèvres quand elle lui confirma son identité.
Akiro Sakamoto, donc. Un nom qu'il n'était pas près d'oublier.

De couloir en couloir, Nick finit par se poser dans un coin pour discuter avec une de ses amies, élève de l'université à qui il avait donné rendez-vous ici. Elle ignorait totalement pourquoi il avait préféré la voir au lycée plutôt qu'à l'université, mais il ne donna pas de détails. Il se contenta de discuter avec elle, tranquillement, de choses et d'autres, de petits ragots et petites histoires sans véritable rapport ou importance, jusqu'à ce que quelqu'un passe près d'eux. Là, il planta la première graine mortelle de son plan. "Eh, tu te rappelles de la soirée de Kayuko ?" La jeune fille hocha la tête et Nick s'adossa contre le mur avec un air grave, les bras croisés. "Il y avait un gars, ce soir-là. Je crois qu'il s'appelait... Sakamoto Akito, ou Akiro, quelque chose comme ça. On a dû le sortir de force parce qu'il essayait d'agresser une fille." Son amie fit des yeux ronds mais ce n'était pas sa réaction à elle qui l'intéressait ; du coin de l’œil, il regarda ceux qui passaient près d'eux. L'un des garçons qui venait de dépasser leur coin de couloir affichait un air choqué. Son moteur. Nick ravala doucement son sourire avant de poursuivre. "Il était même pas bourré. Ce type a vraiment un problème." "La fille va bien ..?" "Je crois. Il n'avait pas eu le temps de la toucher, mais je pense qu'elle a dû flipper quand même." "Tu m'étonnes..."
Ensuite de quoi il se désintéressa plus ou moins de la conversation, reprenant ses discussions superficielles et sans intérêt.

Le garçon qui les avait écouté discutait déjà avec un ami. Vu l'air choqué sur son visage, Nick se sentait prêt à parier sur l'histoire qu'il était en train de raconter. Avec un air satisfait mal dissimulé, il entraîna son amie un peu plus loin, parcourant les couloirs avec elle jusqu'à sortir du lycée et rejoindre la ville. Pour l'instant, il n'avait plus rien à faire ici ; il n'avait qu'à donner le change avec son amie pour que ses intentions sur place soient moins évidentes. Le sujet de la soirée revint plusieurs fois pendant son après-midi, il s'efforça de garder une version cohérente et crédible. Facile, étant donné qu'il préparait ça depuis un moment. Les amis de son moteur, le garçon qui les avait écouté, ne tarderaient pas à parler, eux aussi.

Et ainsi la rumeur se forme.

"Eh Nick ! Tu avais raison, j'ai entendu pas mal de gens parler de cette soirée. C'est dingue quand même !" Nick se retourna vers son amie, qui venait de l'aborder dans les couloirs de l'université. Il jouait toujours avec sa balle de tennis, nouvelle manie qu'il avait adoptée sans raison apparente depuis quelques jours. Oh, lui savait très bien pourquoi, mais il n'en dit pas un mot ; il continua de la faire rebondir au-dessus de sa main avant de répondre à la jeune fille. "Parce que tu ne me croyais pas ?" Elle secoua la tête précipitamment avec un air de s'excuser dessiné sur ses traits. "Si, si. C'est juste que... ça me semblait tellement... ugh. Ce type est vraiment un sale con." Le jeune homme acquiesça d'un hochement de tête. Il en pouvait qu'être d'accord avec elle. Quiconque s'en prenait à sa sœur correspondait parfaitement à la définition de "sale con". Il écouta son amie lui détailler les rumeurs qui couraient du côté du lycée – l'avantage de connaître quelqu'un qui y passait pas mal de temps, c'est qu'il n'avait pas à se déplacer lui-même pour vérifier. Apparemment, celle de la soirée avait fait son petit chemin et plus d'une dizaine de lycéens en parlaient régulièrement. Il dut se contenir pour ne pas afficher un sourire satisfait. Il avait bien choisi la personne pour répandre la rumeur : la garçon avait fait un travail de maître, c'était encore plus rapide et plus simple qu'il l'aurait imaginé.

"Je pense que c'est une bonne chose. Que ça se sache, je veux dire. Imagine s'il recommence... Au moins, comme ça, les gens se tiendront un peu à l'écart. Ça évitera qu'il essaye de s'en prendre à quelqu'un d'autre." Oui, c'était justement le but. L'isoler. Faire en sorte que les gens se tiennent à l'écart, l'évitent, que la rumeur finisse par avoir un impact. Pour l'instant, ce n'était qu'une petite frasque. Qu'un petit incident isolé qui avait fait le tour de l'école alors même qu'il n'avait jamais eu lieu. Mais il fallait faire chaque chose en son temps. Pour l'instant, il fallait que toute l'école soit au courant. Les gens allaient prévenir leurs amis, qui préviendraient les leurs. C'était exactement ce qu'il avait prévu.

Dans sa salle de cours, Nick s'installa tranquillement avec les jambes croisées sur la table, lançant sa balle contre le mur à intervalles réguliers, pour la faire rebondir et la rattraper. Ça aussi, ça faisait partie de son plan. Il fallait que les gens le voient faire ça, régulièrement, qu'ils prennent ça pour une habitude ancrée. Il en aurait besoin plus tard. Et tandis qu'il faisait ça, il écoutait les discussions. Pour l'instant, le sujet n'avait pas encore atteint l'université. Mais la plupart des lycéens avaient des liens avec des étudiants. Bientôt, un téléphone sonnerait avec un sms de type "eh, tu savais que ?"
Plus tôt que prévu.

Il sursauta presque en entendant quelqu'un exposer cette histoire à voix haute, derrière lui. Oh, si vite ? Un sourire narquois étira ses lèvres. Il lança à nouveau sa balle. Quelques mots lancés dans un couloir auprès de la bonne personne. Quelques liens entre les deux écoles. Le bouche à oreille de jour en jour....

Et ainsi la rumeur se répand.

Les informations, ça se manipule. Ne révèle que ce que tu veux révéler, cache ce qui n'est pas essentiel, modifie un peu le point de vue, et une information contiendra tout ce qu'il faut pour devenir une vérité absolue. Où avait-il entendu ça ? Probablement de la bouche de son  père. C'était lui qui lui avait appris à contrôler son image, à contrôler ce qu'il renvoyait aux autres. Son but n'était probablement pas tant de lui apprendre à mentir que de l'aider à se protéger des autres, à ne pas se rendre vulnérable. Peut-être l'utilisait-il à mauvais escient en s'en servait contre les autres, mais qui allait l'en blâmer ?
Sa rumeur s'était répandue bien plus vite qu'il l'avait imaginé. En moins d'une semaine, elle était devenue de notoriété publique dans toute l'école. Les gens se passaient l'information comme une sécurité vitale, pour que leurs amis se méfient du gars dangereux en question.
Il était temps de rajouter de la colère à la méfiance, du rejet au dégoût. Posé sur sa chaise avec sa balle, Nick attendait. Il attendait que quelqu'un se décide à faire passer la rumeur par lui.

"Eh, Nick, tu as entendu cette histoire ? Avec Akiro Sakamoto ? Il paraît qu'il a agressé une fille à une soirée il n'y a pas longtemps." L'américain afficha un air désabusé en fronçant les sourcils, puis il laissa échapper un "tss" agacé en serrant le poing sur sa balle. "Ça ne m'étonne même pas. Ce connard s'en est pris à ma sœur, aussi." Cela eut l'effet escompté : le garçon qui lui avait parlé ouvrit de grands yeux, dans une expression d'abord surprise, puis indignée. "Sérieusement ? C'est quoi son problème, à ce type ? Combien de nanas il a essayé d'agresser, comme ça ?" Nick poussa un soupir excédé, plantant un regard sérieux dans celui de son vis-à-vis. "Si tu veux mon avis, il doit y en avoir des dizaines qui n'osent pas en parler parce qu'il leur fait peur. Il est toujours entouré de ses potes, il a dû les menacer si elles en parlaient." Ça prenait avec une facilité presque déconcertant. Le garçon se redressa, tendu et fier, avec l'expression d'un justicier bien décidé à protéger les faibles. Nick ne fit pas de commentaire. Oui, ce gars répandrait sa justice ; seulement, peut-être pas celle à laquelle il s'attendait. Il irait sûrement voir les filles les plus susceptibles d'avoir été agressées par quelqu'un, les renfermées, les timides, celles qui semblaient sursauter dès qu'on les approchait de trop près, pour les rassurer et n'aurait même pas besoin qu'elles disent le moindre nom pour se persuader que celui qui s'en était pris à elles n'était autre qu'Akiro Sakamoto

Et ainsi la rumeur enfle.

Il était temps de traîner de nouveau du côté du lycée. Ellia était revenue en cours, elle avait déposé deux jours plus tôt un certificat médical à l'administration pour n'aller qu'à ses matières théoriques – ce qui l'enrageait bien violemment – et la rumeur traînait depuis un peu plus d'une semaine, désormais. Elle s'était répandue dans l'école, aggravée. Maintenant, Nick voulait voir à quel point elle avait eu de l'effet sur sa cible. Il mit nonchalamment les pieds dans le lycée, se mêla à la foule comme un élève lambda. Il savait avoir l'air d'un lycéen quand il le voulait, passer pour plus jeune que son âge, même si ça n'était pas toujours facile avec sa carrure parmi ces gens souvent plus petits que lui. Il fallait qu'il trouve Sakamoto, qu'il voit, de loin, comment ça avait fonctionné. Oui, de loin, pour l'instant. Il repéra finalement un garçon ressemblant énormément à celui de la photo qu'il avait envoyée à Ellia au début de sa vendetta. Sûrement celui qu'il cherchait. Discrètement, toujours avec sa balle en main, il s'installa sur un banc, et il fit semblant de lire.
En vérité, il observait. Il jaugeait.

De son petit poste d'observation, qu'il changea plusieurs fois lorsque Sakamoto se levait pour aller manger, aller en cours, ce genre de choses, ce que Nick vit lui tira un sourire sadique et satisfait. Les gens l'évitaient, pour les plus gentils. Il en avait vu des dizaines s'écarter dès qu'ils passaient près de lui, une bonne partie lui jetant des regards méprisants ou dégoûtés au passage. Les filles resserraient leur uniforme, les garçons serraient les poings. Et ça, c'était pour ceux qui passaient simplement, sans un mot, sans un commentaire, sans un mouvement. Et puis il y avait les autres.

Parmi ces "autres", Nick reconnut le garçon à qui il avait parlé de l'agression de sa sœur en terme vague, celui qui se prenait pour un justicier, mais il n'était pas le seul. C'étaient ceux qui, en passant devant Sakamoto, lâchaient une insulte, un commentaire méprisant, une menace. Ou ceux qui lui lançaient des choses – déchets, soda malencontreusement renversé sur ses affaires, petits objets visant sa tête. Il en vit quelques uns essayer de lui faire peur, menacer subitement de le frapper, avant de partir sur un "hin" railleur. Il en vit même un le pousser en arrière, s'écarter, faire demi-tour un peu plus loin pour le pousser à nouveau. Même ses deux amis semblaient l'avoir lâché, car il ne vit à aucun moment les deux garçons dont lui avait parlé Ellia.
Il était seul. Seul et détesté de tous. C'était le prix minimum pour ce qu'il avait essayé de faire. Voir sa vie ruinée parce qu'il avait tenté d'en ruiner une, n'était-ce pas une justice équitable ?
Nick sourit en quittant son poste d'observation.
Et ainsi la rumeur agit.

Deux jours s'étaient écoulés depuis sa dernière observation des résultats de sa vengeance. Un temps suffisant pour qu'il revienne. La situation ne s'était pas améliorée pour Sakamoto, ce qui signifiait qu'elle correspondait parfaitement à ce que lui avait prévu. Nick s'installa à nouveau dans un coin pour observer les choses. Les personnes qui auparavant se contentaient de l'ignorer s'étaient pour certains joints au mouvement, participant aux brimades qui avaient lieu contre lui. Installé face au garçon immobile dans son coin, Nick fit rebondir sa balle au-dessus de sa main. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il étudiait son mouvement et sa vélocité. Quand il fut certain de sa précision, il tourna le regard vers le type qui avait osé agressé sa sœur, et il lança sa balle. Fort, le plus fort qu'il lui était possible – et considérant qu'il s'agissait de son bras valide, entraîné pendant des années d'avirons, l'énergie était largement assez grande. L'objet fut propulsé à grande vitesse directement dans l'estomac du garçon, qui se plia en deux sous le choc, les bras serrés autour de son ventre. Il releva la tête, un air de défi noyé sous une expression très claire de résignation et de lassitude.

Nick se leva souplement, s'approcha avec un signe de la main. "Pardon, je ne l'ai pas fait exprès. Elle m'a échappé." Un mensonge d'une absolue non-discrétion, à peine crédible, mais ça détourna suffisamment l'attention de ceux qui passaient par là, et ça suffit pour que Sakamoto baisse les yeux. Arrivé à côté de lui, Nick se pencha pour ramasser sa balle aux pieds de type et, quand il arriva au niveau de son oreille, ce fut pour murmurer, d'une voix glaciale et menaçante. "Tu n'aurais pas dû t'en prendre à ma sœur."
Dans ses mots, il y avait le poids des derniers jours. De la semaine, et plus, d'enfer que ce pauvre type venait de vivre. Le poids de la vengeance des Ballentine. Le gars releva les yeux, croisa le regard de Nick. Intransigeant et cruel, on pouvait lire dans ses yeux gris à quel point l'état misérable de Sakamoto lui plaisir. Sur un dernier regard glacial, le jeune homme se détourna, laissant le gars toujours en train de se tenir le ventre réfléchir à son erreur.

L'avait-il reconnu ? Ça n'avait pas d'importance. Sa réputation, s'il en avait un jour eu une, était ruinée, et il devait savoir d'où venait le coup qui l'avait frappé. C'était ainsi que ça fonctionnait. On ne voit le serpent que trop tard. Pas quand il est caché dans les herbes hautes ni quand on croit percevoir son sifflement à nos pieds, non ; on le voit quand il mord, quand les crochets s'enfoncent et que le poison commence à se répandre. Quand il est bien trop tard pour l'arrêter. Ce dernier acte était sa morsure, la révélation du serpent. Il s'en était pris aux mauvaises personne. On ne s'en prenait pas impunément à un Ballentine.
Avec un sourire satisfait, Nick lança sa balle dans la première poubelle qui passait pas là, réalisant au passage un panier parfait, puis il glissa ses mains dans ses poches et sortit du bâtiment, sa mission accomplie, pour respirer l'air frais de la fin de matinée.

Et ainsi la rumeur t'achève.