Deux destins entremêlés (PV Naomi)

Enfin la soirée.. J'attends toujours avec une impatience sans nom que les longues journées de cours, d'obligations auprès du conseil et tractations avec le personnel ne se finisse pour pouvoir enfin rejoindre ce lit. Pourquoi dont? Pour être avec elle. Ma Naomi. Je me glisse dans les draps, un peu fatiguée, seulement vêtue de mes sous-vêtements et je me love contre elle, les fesses contre son bassin, sa poitrine contre mon dos. Je soupire de joie avant de caresser la main à ma portée. Elle et moi : c'est une évidence. C'est même plus que ça. J'ai l'impression que je suis née pour être auprès d'elle, que mon corps ne tire son énergie que dans le sien comme si nous étions chacune une partie d'un cycle, comme si un lien invisible et indestructible liait nos êtres au delà du temps et de l'espace.Je me tourne lentement vers elle, frissonnant au contact de sa poitrine contre la mienne avant de déposer un petit baiser sur son front puis un autre sur ses lèvres.

-"Je t'aime tellement Naomi.. Comme si toi et moi nous nous connaissions depuis toujours... comme si nous étions destinées l'une à l'autre..:hearts:"

Ses caresses mutines affolent mes sens tandis que ses paroles réchauffent mon cœur comme le ferait un grand brasier. Encore une fois nous sommes sur la même longueur d'onde et ma pensée s'en trouve grandi. Je décide cependant de laisser Naomi se reposer plutôt que de l'embêter outre-mesure avec mes considérations et je laisse son visage prendre place contre ma poitrine : ses oreillers favoris. Mes doigts glissent dans sa chevelure dorée et je caresse cette dernière tendrement, massant par moment sa tête. Ma bien-aimée est épuisée. Je le sens dans chacun de ses gestes. Est-ce que j'ai sommeil? Oui énormément. J'attends cependant en continuant de la gratifier de mes attentions puis une fois que je sens sa respiration s'apaiser, ses mains se cramponnaient à ma peau, la griffant légèrement comme on abîme un doudou en s'y accrochant, je dépose un baiser sur son front une nouvelle fois.

-"Je viens te rejoindre dans le monde des rêves Naomi.."

Je pose doucement mon front contre le sien et je ferme les yeux en profitant de ce contact si romantique. Oui c'est impossible autrement : le destin nous relie ensemble par delà les âges et les univers..

La nuit était tombé depuis quelques temps et je faisais les cents pas alors que l'unique servante que j'avais daigné emmener avec moi dans la fraîcheur de la soirée tentait, comme elle pouvait de refréner mon impatience.

-"Madame..."

-"Je sais Kalia." la coupais-je.

Je savais très bien ce qu'elle allait dire. Je compromettais mon statut pour un amour né dans une soirée mondaine il y'a quelques années, un amour qui avait baigné mon adolescence. J'étais un peu plus âgée qu'elle et les mœurs comme notre statut interdisait notre relation mais nous en avions fait fi. Nous nous aimions. Suffisamment pour que je sois en train de parcourir cette clairière en long et en large, non loin d'un lac dont le bruit de l'eau rompait le silence ambiant, à attendre qu'elle n'arrive. J'étais en avance comme toujours. J'avais profité d'un manque d'attention de la garde pour chevaucher jusqu'ici et j'avais une bonne heure d'avance, une heure de torture tant l'annonce de son mariage prochain - un événement que nous savions toutes deux inévitable- avait chamboulé mon cœur. C'était bien trop pour moi. Je ne la voulais que pour moi mais je n'étais en cet instant qu'en attente d'un de ses baisers qui saurait apaiser mes craintes. Naomi faîtes vite.. Abrégez les souffrances qui tourmentent mon cœur..

Mon cœur ne manqua pas de rater un battement lorsque la silhouette de celle qui avait fait chaviré mon cœur apparut sous le couvert des arbres. Nos doigts s’étreignirent et je restais un instant, buvant ses mots sans rien trouver à dire, laissant simplement mon regard se perdre dans le sien. Je finis par hocher la tête pour lui montrer un signe évident de compassion puis je répondis derechef.

-"Ne vous excusez pas Naomi, je sais à quel point il est difficile pour vous d'échapper à l'attention.."

Il est difficile aussi pour moi d'échapper à nombre de sentiments qui me pousseraient à laisser tomber l'étiquette et l’enlacer sans tarder. L'embrasser même dans un élan de passion qu ne sied guère à ma position. Je décide juste de poser ma tête contre la sienne, figeant mon regard dans le sien avant de lui faire part des craintes qui dévorent mon cœur depuis que cette sinistre nouvelle de fiançailles à venir m'était arrivée aux oreilles.

-"Si vous saviez comme j'ai eu peur de ne plus vous revoir en apprenant vos noces à venir.. J'aimerais tant que vous ôtiez ses craintes de mon cœur mais je lis à votre regard que c'est un fait et non une rumeur.."

La réponse de ma bien-aimée ne fait que creuser un peu plus le gouffre béant de mon cœur. Les larmes me montent même aux yeux mais je finis par les réprimer pour ne pas empirer la tristesse de ma Naomi que je sais déjà suffisamment dévastateur. Je lui adresse un léger sourire avant de m'abandonner à un geste de tendresse, d'amour et de douceur proscrit pas les mœurs de notre époque. Je pose doucement ma main sur sa joue avant de la caresser de mon pouce sans jamais quitté son regard et je lui murmure quelques mots pour lui mettre du baume au cœur.

-"Je le sais.. je sais à quel point vous tenez à moi.. je le sais et cette humble pensée ne peut que m'honorer et me faire croire en vos mots ma douce.. sachez cependant que je viendrais vous rendre visite.. vous ne serez pas seule.."

Une pensée vient obscurcir le tableau idyllique que je lui dépeins mais je ne la laisse guère subsister plus longtemps.

-"Je suis vôtre.. J'aurais beau me marier un jour à mon tour, sachez que jamais je ne serais à quiconque d'autre que vous.."

J'hésite un instant avant de marquer ma déclaration d'une entorse au protocole dans la pénombre et le silence de cette nuit d'hiver.

-"A toi Naomi.."

Je dois être forte. Ce sont les manières qui ont forgés ma jeunesse et mon éducation. Je dois me résigner à mon destin. Destin que j'ai déjà refusé d'accepter maintes et maintes fois. Toutes les fois où Naomi et moi nous sommes retrouvées en secret. J'accepte ce baiser avec une joie redoublée. Cette simple marque d'amour suffit à me rendre des forces et à me faire oublier un peu le protocole et redevenir celle que je suis dans l'intimité, celle que je suis avec elle seulement. Je laisse ma main venir quérir la sienne et je lui somme de me suivre en tenant ses doigts entre les miens. Je profite du tronc d'un arbre voisin pour me laisser glisser à sa base. Au diable les traces d'herbes et d'eau qui maculeront ma robe. Kalia s'en chargera. J'attends qu'elle vienne s’asseoir auprès de moi et je glisse ma tête contre la sienne. Un geste qui me paraît si normale et qui offusqueraient tellement les consciences. Je n'en ai cure quand je la sens près de moi. Je lui glisse doucement d'une voix douce et apaisante.

-" Est-ce que vous vous souvenez de moi lors de notre rencontre?"

C'est si lointain et si proche. Notre rencontre. Un souvenir qui hante mes nuits pour les rendre supportable.

Le souvenir lui était toujours vivace. Je soupirais de soulagement, déjà désespérée à l'idée que cet instant où mon regard avait croisé le sien, l'instant où je m'étais faite ensorcelée, ne puisse l'avoir quitté.. En effet, les paroles de ma compagne suffisaient alors à me rendre un peu le sourire malgré la peine de la séparation à venir. Cette sempiternelle séparation qui affligeait mon cœur à chaque fois mais cette fois un peu plus en sachant le sort et le destin qui serait celui de la femme que j'aimais en secret. Je me rapprochais doucement d'elle jusqu'à ne laisser qu'un mince espace entre nous, un espace déjà trop grand pour mon cœur, trop mince pour les convenances puis je lui glisse à l'oreille comme si c'était les paroles les plus précieuses qu'ils soient.

-"Ne l'oubliez jamais.. Quoi que vous puissiez endurer je serais là.. Je viendrais vous voir et ma flamme ne s'éteindra jamais, elle flamboiera comme la chevelure que j'arbore, celle que vous aimez tant.."

Je me souvenais avec tendresse de son premier compliment sur mes cheveux avec un petit sourire avant de déposer un baiser sur sa joue et de glisser ma main dans la sienne, faisant fi de l'étiquette à nouveau.

-"Et si nous marchions un peu?"

J'accueillais avec un sourire presque imperceptible la sensation des ses doigts autour des miens tandis que nos pas commençaient à nous éloigner du couvert des arbres pour longer la berge. Je laisse mon regard se perdre dans le reflet de la lune sur l'étendue calme en faisant attention de ne pas croiser son regard dans le reflet de l'eau. L'attente fut trop longue et ce court instant d'intimité en elle et moi fait ressortir des images de nos premiers baisers fugaces - des baisers que j'ai envie de commettre en profitant du calme des lieux -, nos premières étreintes volées ainsi que nos premières expériences de l'amour à son plein sens, celle-là même qui restent nos moments les plus secrets. Les choses auraient pu être si simples si le destin ne s'acharnait pas. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de soupirer tout en m'arrêtant, le regard toujours tourné vers les eaux. Je rêve d'un monde où nos sentiments pourraient fleurir au calme comme si des fleurs de diverses couleurs venaient à émerger de ce lac.

-"Je vous prie d'excuser cette attitude cavalière" lui dis-je tout en cédant à cette attente et je viens poser ma main sur sa joue et l'embrasser de toutes mes forces pour m'octroyer un répit et un instant de paradis sucré.