Accorde-moi un instant //Erik//

Quel situation peut bien amener deux amants à rentrer ensemble après le travail? Oui je sais ce qu'il serait évident de conclure et vous ne pourriez être plus loin de la vérité que cela. En effet, j'étais allongé dans son salon, la tête bien calé sur un coussin, et non la poitrine de ma supérieure comme vous semblez le penser, un traité de philosophie à la main, parcourant les lignes de la doctrine stoïcienne exposé dans sa plus grande simplicité. Pourquoi dont? Et bien, le sommeil ne semblait vouloir gagner l'esprit de la petite fille de Martel aussi je révisais la théorie que je comptais enseigner à mes élèves au cours de ce semestre.

- Tu lis quoi ?

Un baiser dans le cou et une voix taquine vint perturber ma lecture. Je relevais un sourcil interrogateur, sans pour autant délaisser mon ouvrage avant de répondre d'une voix lasse.

-"Manuel d'Epictète"  la première partie du programme des 4 ème année pour le semestre.."

Je marquais une pause, posant avec soin mon ouvrage pendant un court instant sur mon torse, avant de saisir une mèche de cheveux de la jeune femme et de la faire tournoyer entre mes doigts.

-"Scarlett s'est endormie?"

Je notais du coin de l’œil l'assertissement de la demoiselle tout en parcourant du regard les lignes traitant du domaine de la raison et ses trois usages que sont le jugement, l'impulsion ainsi que le désir. D'ailleurs en parlant de désir, il semblait évident tant ses paroles étaient transparentes. Elle souhaitait que je délaisse les écrits antiques pour m'abandonner à ses bras et m'occuper un peu d'elle.

-"Je ne sais pas.. tu prendrais la responsabilité que mon cours ne soit pas à la hauteur par manque de recherches ma chère?" dis-je d'un ton joueur tout en esquissant un sourire révélateur.

Je levais le regard de mon ouvrage pour le tourner vers la demoiselle avant de déposer un léger baiser sur les lèvres de la Directrice, puis, bien sûr, je reprenais ma lecture et la titiller un peu, comme c'était devenu ma spécialité.

-"Tu avais une meilleure proposition à me soumettre ma belle?"

Associer compliment, humour, ironie et jeu était devenu un art que je maîtrisais mieux qu'aucun autre. Je n'étais peut-être pas un Michel-Ange mais j'étais au moins un Van Gogh dans cette discipline. Mes élèves pourraient aussi en attester vu le nombre d'élèves qui ont subi mes pièges.

Je relevais le regard de ma lecture, offrant à la jeune mère un petit sourire voulant tout dire. Je ne pouvais clairement pas lui refuser ce privilège. Ma main vint doucement l'attirer vers moi et mes lèvres vinrent compléter les siennes dans un baiser court mais des plus agréables. Je reprenais dès lors ma lecture,l'air de rien, un léger sourire aux coins des lèvres avant de reprendre sur le ton de la plaisanterie.

-"Est-ce tout ou tu veux aussi une place dans le canapé?"

J'étais déjà étendu de tout mon long dans le dit canapé empêchant la demoiselle de s'y asseoir et je le savais très bien. Je voulais simplement taquiner un petit peu la jolie demoiselle qui semblait en mal d'attention aussi je repris une nouvelle fois la parole sur un ton moqueur, proférant une nouvelle blague, toujours focalisé sur mon ouvrage d'Epicure, rédigé par Arryen.

-"A moins que la princesse ne désire que je lui sers de siège?"

-"Te servir de lit? Tu oserais?"

J'avais prononcé ses mots avant de relever mes yeux de ma lecture et constater que mon avertissement tacite n'avait aucunement servi à la dissuader de tenter l'expérience. Je feignais l'agacement en soupirant, un sourire aux lèvres trahissant mon véritable sentiment sur son acte. Je posais une main dans ses cheveux avant de caresser tendrement sa chevelure pour l'aider à trouver le sommeil. Martel avait beau se la jouer femme fatale, je savais qu'elle était aussi une enfant dans certaines situations et cette situation en était la parfaite preuve. Je savais aussi que la demoiselle avait aussi des journées longues comme le bras qu'elle devait concilier seule avec l'éducation de ses deux enfants aussi je n'étais pas dupe. La situation lui profitait et la fatigue devait couver pour la jeune femme. Je délaissais finalement mon ouvrage, le posant sur le sol sans prendre la peine de marquer la page - je m'en souviendrais en temps voulu - et je profitais de cette main désormais libre pour caresser le dos de la jeune femme somnolente avec un sourire affectueux. Décidément cette fille savait comment y faire pour me faire sortir de mon je m'enfoutisme sempiternelle.

-"Les femmes..."

C'est qu'elle avait du cran la Martel.. Je ne pensais pas vraiment qu'elle puisse oser accomplir ses menaces et encore moins qu'elle puisse trouver le chemin du sommeil dans une position si peu pratique mais il semblait que je me sois trompé. En effet, je me retrouvais avec une demoiselle endormie sur moi tandis que je tentais de bercer son sommeil en caressant ses cheveux et son dos.

-"Tu abuses tu sais.."

Aucune réponse. Je n'en attendais pas car je savais déjà que la demoiselle était dans les bras de Morphée -et les miens pour le coup - et je devais désormais trouver un moyen de m'occuper pendant la petite pause de la directrice, sans pour autant venir perturber ses rêves. Je me laissais aller en m'enfonçant un peu plus dans le canapé tout en continuant de parcourir sa chevelure colorée et son dos du bout des doigts comme pour imiter la brise. Je ne partageais que peu de moment calme et tendre comme celui-ci. Peut-être tout simplement car j'en étais devenu incapable depuis Kate mais en cet instant, la pensée ne m'effleura qu'à peine. Je pouvais bien donner un peu d'affection et de tendresse à ma favorite.

Les secondes, les minutes et les heures passent tandis que la demoiselle ne daigne pas s'extraire se ses rêves. Je reste à veiller sur elle, le sourire aux lèvres alors que des brides de paroles tentent de se frayer un chemin en dehors de la bouche de la jolie directrice. Une habitude que je lui connais bien. Une habitude qui n'a toujours fait que contraster avec l'image qu'elle se donne et qui rajoute à son charme. Finalement la belle finit par s'éveiller. Je fais mine d'ignorer sa première remarque avant de la nuancer à mon tour avec une pointe d'humour.

-"C'est ce que tu dis mais je crois savoir, sans me vanter, que chaque réveil avec moi te plaît?" dis-je en lui adressant un clin d'oeil.

Je passe une main dans sa chevelure en répondant à son baiser puis un sourire s'étire sur mes lèvres.

-" Je suis autant un coussin que tu es une femme au foyer et une mère comme les autres.." murmurais-je avant de renchérir "Plus sérieusement j'ai pensé te réveiller vu l'heure mais dans un élan de gentillesse j'ai préféré te laisser dormir pour une fois"

Un élan de tendresse aurait été plus juste mais je préfère taire ce détail.

Un petit sourire amusé vint se ficher sur mon visage tandis que j'écartais une mèche de devant ses yeux. Cette femme avait quand même le chic pour me prendre à mon jeu - certes je la laissais pas mal faire afin de profiter de l'instant mais il est bon de rendre à César ce qui appartient à César. Je vins poser deux doigts sous son menton pour le surélever légèrement puis je kidnappais ses lèvres le plus délicatement possible avant de répondre à sa question sur un ton moqueur.

-"Il semblerait que ,durant ton sommeil, tu es décidé de chasser ma lecture qui ne semblait pas à ton goût..."

La vérité restait que je m'en étais délibérément débarrassé mais encore une fois, il était plus adapté de ne pas gâcher les vicissitudes de l'artiste en dévoilant ses tours : c'est à dire en ce qui me concerne, dévoiler un instant de faiblesse. J'écartais le sujet en rebondissant sur le sujet précédent en décrivant les courbes de la jeune femme du bout des doigts avec un air charmeur.

-"En ce qui concerne ton sommeil, je suis sûr que si tu peines à trouver le sommeil, nous saurons bien trouver un moyen d'occuper notre temps comme il convient.."